La suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique interne n’est réellement devenue effective qu’avec le passage du légicentrisme (primauté de la loi) au constitutionalisme (primauté de la Constitution) via l’instauration d’un véritable contrôle de constitutionnalité des lois. Ce contrôle apparaît en France avec la Constitution de 1958 mettant notamment en place le Conseil constitutionnel. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’avant 1958 le respect de la Constitution s’imposait déjà à l’administration, sous le contrôle du juge administratif.
En matière de contrôle de constitutionnalité des normes internes, le Conseil constitutionnel juge aujourd’hui de la constitutionnalité des lois (A), le juge administratif celle des actes administratifs (B).
Rappel sur le contrôle de constitutionnalité des lois
Réellement instauré en France en 1958, le contrôle de constitutionnalité des lois relève de la mission du Conseil constitutionnel (2). Au-delà de l’utilisation du texte de la Constitution de 1958, celui se réfère depuis 1971 à un ensemble de textes et principes de valeur constitutionnelle regroupés sous l’expression de « bloc de constitutionnalité » (1).
Le bloc de constitutionnalité
Le statut des préambules constitutionnels a longtemps fait l’objet de discussions dans la mesure où ces textes visent à énoncer des principes philosophico-politiques très généraux – impliquant pour certains auteurs une impossibilité de les appliquer juridiquement. Si l’on apprend en droit constitutionnel que par sa décision Liberté d’association rendue en 1971, le Conseil constitutionnel a créé la notion de bloc de constitutionnalité – au sens de l’ensemble des normes à valeur constitutionnelle – comprenant la Constitution et son Préambule, cette affirmation ne vaut en réalité que pour la jurisprudence du Conseil (b). Le juge administratif s’empare en effet du contenu des préambules constitutionnels quelques années avant son homologue de la rue Montpensier (a).
Avant 1958 : une certaine reconnaissance de la juridicité du Préambule par le juge administratif
Sous les IIIe et IVe Républiques, le juge administratif a reconnu, plus ou moins directement, une valeur juridique à certains éléments de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), puis du Préambule de la Constitution de 1946. Ainsi en 1913 (CE, 1913, Roubeau), le Conseil d’État admet la valeur juridique du principe d’égalité tel qu’issu de la DDHC via l’utilisation d’un principe général du droit (principe non écrit dégagé par le juge à partir de la tradition juridique française ou de textes divers).
En 1950 (CE, 1950, Dehaene), le juge administratif reconnaît une valeur juridique au droit de grève tel qu’énoncé par le Préambule de 1946. Dans cette affaire, M. Dehaene alors qu’il est fonctionnaire d’une préfecture se voit suspendu de ses fonctions pour avoir participé à une grève. Problème : le ministre de l’Intérieur avait interdit aux agents d’autorité de participer à cette grève et M. Dehaene étant chef de service, il rentrait dans cette catégorie. Jusque-là, la jurisprudence affirmait que le droit de grève était incompatible avec les nécessités du service public et la sauvegarde de l’ordre public et de l’autorité de l’État (CE, 1909, Winkell). Mais entre-temps, le Préambule de la Constitution de 1946 avait inscrit le droit de grève comme un « Principe politique, économique et social particulièrement nécessaire à notre temps », et précisé qu’il s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Or aucune loi ne réglemente cette question pour les fonctionnaires à l’époque.
Entre l’interdiction du droit de grève (en l’absence de loi l’encadrant) et sa complète acceptation sans limitation (sur le fondement du Préambule de 1946), le Conseil d’État a alors retenu une voie intermédiaire. Il accepte de contrôler l’acte administratif qu’est l’interdiction édictée par le ministre au regard du Préambule de 1946, lui reconnaissant donc ainsi une valeur juridique, mais il juge qu’en l’absence de loi applicable, il appartient au gouvernement de réglementer le droit de grève des fonctionnaires et d’organiser la nécessaire conciliation entre ce droit et la continuité du service public. En l’espèce, il admet finalement la légalité de l’interdiction édictée.
En 1956 (CE, 1956, Amicale des Annamites de Paris), il poursuit son travail créatif et utilise la notion de « Principe fondamental reconnu par les lois de la République » (PFRLR), telle qu’énoncée à l’alinéa 1er du Préambule de 1946. Il tire alors de la tradition républicaine le PFRLR de liberté d’association pour annuler l’arrêté du ministre de l’Intérieur déclarant la nullité de l’association demanderesse. L’année suivante, la DDHC apparaît, ici explicitement, dans les visas du Conseil (CE, 1957, Condamine), lorsqu’il accepte d’examiner au fond un moyen d’excès de pouvoir tiré de la violation des articles 8, 9 et 10 de la Déclaration.
Après 1958 : la confirmation de la juridicité du Préambule
Avec l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958 et la mise en place du Conseil constitutionnel, le constituant français affirme sa volonté de redonner toute sa place à la Constitution au sommet de la hiérarchie des normes.
Moins de deux ans plus tard (CE, 1960, Société Eky), le Conseil d’État confirme d’ailleurs son approche de la juridicité des préambules constitutionnels lorsqu’il contrôle la légalité d’un acte réglementaire au regard de l’article 8 de la DDHC.
En 1971, par la fameuse décision Liberté d’association (CC, 16 juillet 1971, Liberté d’association), le Conseil constitutionnel vient entériner cette évolution et reconnaît pleine valeur normative constitutionnelle au Préambule de la Constitution de 1958, incluant l’ensemble des références textuelles qu’il contient (Préambule de la Constitution de 1946 et DDHC, auxquels il faut ajouter la Charte de l’environnement depuis 2004). La reconnaissance de ce « bloc de constitutionnalité » a eu un impact important en matière de garantie des droits et libertés dès lors que les textes qu’il inclut ciblent particulièrement cette question.
Au-delà de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont le nom même indique son objectif, le Préambule de 1946 est également très détaillé en la matière. Il comprend ainsi :
- Le principe de sauvegarde de la dignité humaine, sur lequel le Conseil constitutionnel fonde pour la première fois l’une de ses décisions en 1994 (CC, 27 juillet 1994, Loi bioéthique);
- Les Principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps (explicitement cités par le Préambule : droit d’asile, de grève, liberté syndicale…) ;
- Les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : ce sont des principes reconnus de manière continue par des lois républicaines votées avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946.
- Le Conseil constitutionnel en a identifié 11 dont la liberté d’association (CC, 16 juillet 1971, Liberté d’association, n° 71-44 DC), l’indépendance de la juridiction administrative (CC, 23 novembre 1977, Liberté d’enseignement et de conscience, n° 77-87 DC) ou encore la liberté académique (CC, 8 juillet 1999, Loi d’orientation agricole, no 99-414 DC).
- Le Conseil d’Etat a également énoncé de nouveaux PFRLR dans sa jurisprudence (après celui de liberté d’association énoncé avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, CE, 1956, Amicale des Annamites de Paris). Dans un avis de 1995 (CE, 9 novembre 1995, avis, n° 357344), il fait ainsi un PFRLR de l’interdiction d’extrader une personne pour une infraction politique. Il le confirme dans un arrêt l’année suivante (CE, ass., 1996, Moussa Koné). Cette capacité du juge administratif à « créer » des PFRLR a été contestée par une partie de la doctrine, lui reprochant de s’arroger une compétence qui relève depuis 1958 du Conseil constitutionnel.
Le contrôle de constitutionnalité des lois
Pour le contrôle de constitutionnalité des lois, deux procédures existent aujourd’hui, l’une a priori (art. 61 de la Constitution), l’autre a posteriori (art. 61-1 de la Constitution).
Initialement, seul existait le contrôle « préventif » de constitutionnalité de la loi (a priori), organisé avant sa promulgation et sur saisine d’un nombre restreint d’autorités politiques.
Avec la révision constitutionnelle de 2008 (entrée en vigueur en mars 2010), le constituant introduit un contrôle a posteriori de la constitutionnalité de la loi sous la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Soulevée à l’occasion d’un procès, cette question peut être transmise au juge constitutionnel par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation s’ils la jugent nouvelle et non dépourvue de caractère sérieux (art. 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 telle que modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009). La QPC ne concerne toutefois pas tous les articles de la Constitution mais seulement les possibles violations des droits et libertés constitutionnellement garantis.
La QPC est une question préjudicielle et non une exception d’inconstitutionnalité – dans ce dernier cas, le juge ordinaire pourrait lui-même trancher la question de la constitutionnalité de la loi, comme c’est par exemple le cas aux Etats-Unis. Dès lors qu’il transmet la question au Conseil constitutionnel, le juge (administratif ou judiciaire) doit surseoir à statuer sur le litige en attendant que le Conseil juge de la constitutionnalité des dispositions en cause.
La QPC est également une question prioritaire en ce sens qu’elle doit être tranchée avant toute autre question, que ce soit de légalité au regard de normes internes, ou de conventionnalité au regard de normes internationales. Si le requérant soulève à la fois une QPC et une exception d’inconventionnalité d’une même disposition législative, le juge doit d’abord renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel et attendre sa réponse, avant de pouvoir statuer sur la conformité de la loi à ladite convention. Face à un droit garanti tant par la Constitution que par une convention internationale (par exemple la liberté d’expression est protégée par l’article 11 de la DDHC et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme), un requérant pourrait préférer ne soulever que l’exception d’inconventionnalité, celle-ci étant directement et plus rapidement traitée par le juge – une QPC est en effet susceptible de repousser la solution du litige de 6 mois.
La suprématie constitutionnelle sur les actes administratifs
Comme nous l’avons déjà évoqué, le juge administratif est le juge de la constitutionnalité des actes administratifs, un contrôle qu’il a effectué avant même l’existence en France d’un contrôle de constitutionnalité des lois. Toutefois, dans ce rôle, le juge s’est lui-même imposé deux limites, la première afin d’éviter tout contrôle indirect de la constitutionnalité d’une loi (1), la seconde afin de limiter l’impact de normes constitutionnelles jugées trop floues (2).
La Théorie de la loi-écran
Le contrôle de constitutionnalité d’un acte administratif ne pose aucun problème pour le pouvoir réglementaire autonome – à savoir le pouvoir réglementaire qui intervient au titre de l’article 37 de la Constitution en dehors de l’application d’une loi, dans les domaines qui lui sont réservés. Un problème se pose en revanche pour tous les autres actes administratifs dès lors qu’ils mettent en œuvre et/ou appliquent une loi. Comment traiter un acte administratif qui semble contraire à la Constitution mais qui est conforme à la loi qu’il met en œuvre ? Reconnaître l’inconstitutionnalité de cet acte reviendrait alors à contrôler indirectement la constitutionnalité de la loi
Or le juge administratif – tout comme le juge judiciaire – a été pensé comme un juge appliquant la loi, le contrôle de la juridicité de celle-ci lui est donc en principe inaccessible : c’est l’origine de l’écran législatif ou « théorie de la loi écran » (a). Mais très rapidement, son application a été limitée par le juge lui-même, puis par le constituant (b).
En principe : l’absence de contrôle indirect de la loi
En application du principe de séparation des pouvoirs,le juge ne peut normalement porter de jugement sur la loi qu’il applique. L’arrêt de principe en matière administrative date de 1936 (CE, 1936, Arrighi). Le Conseil d’État y affirme que lorsqu’au cours d’un procès fait à un acte administratif est soulevée la question de savoir si la loi sur laquelle se fonde l’acte est conforme ou non à la Constitution, le juge administratif ne peut vérifier ce point. Comme le souligne alors le commissaire du gouvernement Roger Latournerie dans ses conclusions sur cette affaire : « dans la théorie et aussi dans la pratique de notre droit public, le Parlement reste l’expression de la volonté générale et ne relève à ce titre que de lui-même et de cette même volonté ». Le juge administratif ne peut aller à l’encontre de la volonté générale.
En refusant de contrôler la constitutionnalité de la loi, il refuse par incidence de contrôler celle de l’acte administratif qui la met en œuvre, ce qui reviendrait à porter indirectement un jugement sur la loi. On dit alors que la loi fait écran entre l’acte administratif et la Constitution (selon l’expression du commissaire du gouvernement Léon Agid dans ses conclusions sur l’arrêt CE, 1950, Fédération nationale de l’éclairage et des forces motrices).
L’entrée en vigueur de la Constitution de la Ve République vient renforcer ce point dès lors que la Constitution prévoit la compétence du seul Conseil constitutionnel pour statuer sur la constitutionnalité de la loi.
La jurisprudence administrative a ainsi constamment réaffirmé cette théorie de la loi-écran (par exemple : CE, 1989, Roujansky).
Toutefois, dès lors qu’elle implique l’impossibilité d’annuler un acte administratif éventuellement contraire à la Constitution, cette théorie de la loi écran pose problème pour le respect de la hiérarchie des normes. Cela met à mal le principe de légalité en laissant perdurer dans l’ordonnancement juridique des actes inconstitutionnels.
Cette théorie est également fragile dans ses fondements puisque le principe de séparation des pouvoirs est écarté lorsque le requérant invoque une incompatibilité entre une disposition législative et un traité – nous verrons en effet à la section suivante que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ont accepté d’effectuer un contrôle de conventionnalité des lois.
Une application désormais limitée de la théorie de la loi écran
Le juge administratif a lui-même apporté au fil du temps plusieurs correctifs à l’application de cette théorie (i) et la révision constitutionnelle instituant la QPC en a également limité le champ (ii).
Correctifs apportés par le juge
Trois correctifs permettent exceptionnellement au juge administratif de surmonter l’écran législatif et d’apprécier la constitutionnalité d’un acte administratif pris en application d’une loi. Ce sont l’interprétation compatible de la loi, l’écran transparent et l’abrogation implicite.
L’interprétation compatible de la loi
Lorsqu’il contrôle la conformité d’un acte administratif à une loi, le juge administratif est parfois amené à devoir interpréter les dispositions législatives. Face à un potentiel problème de constitutionnalité, le juge s’efforce alors d’interpréter la loi de manière à la rendre conforme à la Constitution. Il peut notamment s’inspirer des réserves d’interprétation que le Conseil constitutionnel aurait émises lors du contrôle de dispositions législatives similaires (pour rappel, une réserve d’interprétation implique que le Conseil constitutionnel ne considère la disposition législative en cause comme conforme à la Constitution que si elle est interprétée de la manière qu’il précise dans sa décision). Ainsi, en 2007 (CE, 2007, Lesourd), le Conseil d’État interprète les dispositions de la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes à la lumière de la réserve d’interprétation posée par le juge constitutionnel lorsqu’il a contrôlé la loi de modernisation sociale (CC, 2001, n° 2001-455 DC, Loi de modernisation sociale).
L’acte administratif qui serait contraire à la loi telle qu’interprétée de la sorte pourrait donc être annulé sans que soit remise en cause, indirectement, la constitutionnalité de la loi.
L’écran transparent
Le juge administratif n’applique pas la théorie de la loi-écran lorsque la loi en cause ne contient pas de disposition de fond. Cette idée correspond traditionnellement à l’hypothèse dans laquelle la loi se borne à habiliter le pouvoir règlementaire à prendre certaines mesures, sans en prédéterminer le contenu. Par exemple, en 1991 (CE 1991 Quintin), pour contrôler la constitutionnalité de l’article R. 111-14-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’État écarte l’ancien article L111-1 du même code sur lequel il se fonde, car ce dernier indique que « Les règles générales applicables [… aux] propriétés foncières et [aux] constructions sont déterminées par des décrets en Conseil d’État ». Ce simple renvoi au pouvoir réglementaire constitue ainsi un écran transparent.
Limitée à ce seul aspect dans un premier temps, cette théorie revêt aujourd’hui une portée plus large. L’écran transparent permet ainsi au juge d’écarter l’écran législatif pour tous les cas où des mesures administratives « ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires » de la loi (CE, ass, 2013, Fédération nationale de la pêche en France). Ainsi, la théorie de la loi-écran ne peut jouer que lorsque la loi qui s’interpose entre l’acte administratif et la Constitution a véritablement déterminé l’inconstitutionnalité de l’acte administratif. Dans le cas contraire, l’écran est dit « transparent ».
L’abrogation implicite
Le juge administratif s’estime enfin compétent pour constater l’abrogation implicite d’une loi par une disposition constitutionnelle intervenue après la promulgation de la loi en cause. Par là-même le Conseil d’État ne fait que mettre en œuvre le principe d’application de la loi dans le temps selon lequel la disposition postérieure abroge implicitement la disposition antérieure contraire, si cette dernière est de même niveau ou de niveau inférieur dans la hiérarchie des normes.
Ainsi, lorsque l’acte administratif en cause est fondé sur une loi qui a été promulguée avant l’entrée en vigueur des dispositions constitutionnelles en cause et que cette loi est « inconciliable » avec ces dispositions, le juge se reconnaît compétent pour constater que les dispositions législatives ont été implicitement abrogées par les dispositions constitutionnelles (CE, 2005, Syndicat national des huissiers de justice).
L’apport de la QPC
Avec la révision de 2008 instaurant la Question prioritaire de constitutionnalité, ce correctif de l’abrogation implicite disparaît au profit de la compétence du Conseil constitutionnel dès lors qu’il est soulevé que la loi en question viole un droit ou une liberté constitutionnellement garantis (CC, 2010, n° 2010-52 QPC, Compagnie agricole de la Crau).
Plus généralement, le requérant qui intente un recours contre un acte administratif pris sur la base d’une loi qu’il estime inconstitutionnelle peut, depuis l’entrée en vigueur en 2010 de la révision de la Constitution, soulever l’inconstitutionnalité de la loi devant le juge administratif par le biais d’une QPC. Certes, il n’appartient pas au juge administratif de statuer lui-même sur cette inconstitutionnalité, mais il lui revient de juger du sérieux de la question posée et de sa conformité aux conditions posées par la constitution, en particulier de l’invocation par le requérant de la contradiction de la loi à un droit ou une liberté que la Constitution garantit et non de toute inconstitutionnalité. S’il estime les conditions réunies, le juge administratif doit alors surseoir à statuer, renvoyer la question au Conseil constitutionnel seul habilité à juger de la constitutionnalité de la loi en cause, et reprendre l’examen de l’affaire une fois que le Conseil s’est prononcé.
Une invocabilité partielle de la Constitution
Lorsqu’aucune loi ne fait écran au contrôle de constitutionnalité d’un acte administratif, seules les dispositions constitutionnelles d’applicabilité directe ou immédiate sont toutefois invocables en tout contentieux. Ces dispositions sont celles qui créent des droits directement invocables par les individus (par exemple : l’article 17 de la DDHC qui pose le droit de propriété). Pour certains éléments du bloc de constitutionnalité, la question s’est posée en raison de leur caractère plus ou moins vague. Comment penser notamment le principe prévu au Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ? Quelles obligations de faire ou de ne pas faire ce principe implique-t-il pour les autorités publiques ? Qu’implique également l’article 1e de la Charte de l’environnement qui prévoit le droit à un environnement sain ?
Face à ces dispositions jugées assez vagues et extensibles, le juge administratif va distinguer suivant le type de contentieux pour accepter ou non leur invocabilité :
- En cas de recours pour excès de pouvoir contre un acte réglementaire (c’est-à-dire un acte général et impersonnel) : toutes les dispositions constitutionnelles sont invocables, même vagues ;
- En cas de recours pour excès de pouvoir contre un acte individuel ou un recours de plein contentieux : seules les dispositions suffisamment précises sont invocables. Généralement, le juge estime qu’un principe trop vague ne peut entraîner l’illégalité d’une décision individuelle.
Toutes les dispositions constitutionnelles sont donc invocables devant le juge administratif, mais pas dans le cadre de tous les contentieux.
Commentaires