I. Préalable : les contrats de la commande publique

La notion de « droit commun de la commande publique » résulte d’une décision du Conseil constitutionnel de 2003 (CC, 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit). Elle renvoie alors selon le gouvernement « aux différentes techniques contractuelles permettant aux personnes publiques et à leurs mandants, et aux personnes privées chargées d’une mission de service public, de satisfaire leurs besoins par recours à des prestataires extérieurs » (Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, 17 mars 2004, « Exposé des motifs », art. 56). Il faudra toutefois attendre 2019 pour qu’un Code de la commande publique entre en vigueur, regroupant en un même lieu les textes relatifs aux différents contrats de la commande publique (marchés et concessions). Entré en vigueur le 1e avril 2019, ce Code de la commande publique est le résultat d’un processus de transformation du droit de ces contrats influencé par le droit européen et initié par la Loi Murcef du 11 décembre 2001, complété par les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, et finalisé par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique.

Selon l’article L. 2 du Code de la commande publique (CCP), « Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques ». Au sein de cette catégorie, on retrouve des contrats administratifs (cf. II), mais aussi des contrats de droit privé soumis au Code de la commande publique. Ces derniers relèveront donc du pouvoir de contrôle du juge judiciaire qui appliquera alors le Code. Tous les contrats de la commande publique peuvent aujourd’hui être classés dans l’une des deux catégories prévues par le Code : les marchés (A) et les concessions (B).

Les Marchés Publics

Selon la définition la plus récente (L. 1111-1 CCP) : un marché public est un « contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ». Cette définition est le résultat d’une évolution de la notion de marché public, sous influence du droit de l’Union européenne. Elle renvoie à trois éléments que sont les parties au contrat (1), l’objet du contrat (2) et la rémunération du titulaire du marché (3).

Élément organique : les parties au contrat

En France jusqu’en 2015, les marchés publics impliquaient par définition que l’acheteur soit une personne publique. Toutefois, en droit de l’Union européenne (directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014), un marché public est un contrat passé par un « pouvoir adjudicateur » (voire une « entité adjudicatrice » dans certains cas), c’est-à-dire une personne publique ou certaines personnes privées.

La notion de pouvoir adjudicateur recouvre trois catégories d’acheteurs, à savoir :

  1. Toutes les personnes morales de droit public ;
  2. Les personnes morales de droit privé poursuivant une mission d’intérêt général et financées principalement sur fonds publics ; et
  3. Les personnes morales de droit privé constituées par des pouvoirs adjudicateurs dans le but de réaliser certaines activités en commun (L. 1211-1 CCP).

A la fois plus restreinte et plus large, la notion d’entité adjudicatrice vise spécialement les acteurs publics et privés en charge de services publics en réseaux (L. 1212-1 CCP). Elle inclut alors certaines entités qui ne sont autrement pas considérées comme des pouvoirs adjudicateurs, notamment d’autres personnes privées bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs pour l’exercice de ces activités en réseau.

Élément matériel : l’objet du contrat

Traditionnellement, les marchés publics relèvent de l’une des trois catégories suivantes. Ils sont soit :

  • marchés de travaux (L. 1111-2 CCP), conclus pour l’accomplissement de travaux immobiliers, à savoir pour la construction et/ou l’entretien de ponts, de routes, de bâtiments publics… ;
  • marchés de fourniture (L. 1111-3 CCP), qui visent les activités d’achat, de location, de crédit-bail ou encore de location-vente pour tout ce qui relève de biens mobiliers (meubles, denrées, équipements…) ;
  • marchés de service (L. 1111-4 CCP) qui sont ceux qui visent à la réalisation de prestation de service, depuis le nettoyage de locaux publics jusqu’aux études techniques de faisabilité d’un projet.

Une catégorie spéciale est codifiée à l’article L. 1113-1 CCP, celle des marchés de défense et de sécurité. Ces marchés peuvent être de travaux, de fourniture ou de service mais avec un objet sensible particulier, celui de la défense et de la sécurité (par exemple un contrat d’achat d’armes et de munitions). Ce caractère sensible important implique alors des règles particulières.

Élément financier : la rémunération

Par principe, un marché public renvoie à un prix payé en une fois par l’acheteur au cocontractant. Cette question du mode de rémunération du cocontractant est d’ailleurs aujourd’hui le principal élément de distinction entre les marchés et les concessions.

Toutefois, avec l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 apparaît une nouvelle forme de contrat : les « contrats de partenariat », distincte des marchés publics et des concessions. L’autorité publique fait appel à des prestataires privés pour construire et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public (un loyer dans la plupart des cas) et/ou des usagers du service qu’il gère. Un exemple typique de tels partenariats public-privé consiste pour un entrepreneur privé à construire un hôpital public dont il gérera ensuite les activités non médicales. La rémunération, sous forme de loyer, est alors versée de manière étalée sur la durée du contrat.

Les « marchés de partenariat » sont aujourd’hui codifiés à l’article L. 1112-1 CCP comme une forme de marché public.

Les Concessions 

Aujourd’hui codifiée au CCP, la concession est une forme de contrat développée par la jurisprudence. Selon la définition la plus récente (L. 1121-1 CCP), une concession est un « contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». Au-delà des éléments organiques et matériels, en partie communs avec les marchés publics, la concession se distingue de ces derniers par la forme de la rémunération du cocontractant.

Traditionnellement existaient deux types de concessions : les concessions de travaux publics – à savoir les contrats visant à la réalisation de travaux publics et à l’exploitation de l’ouvrage public qui en résulte – et les concessions de service public – visant à l’exploitation d’un service public à la charge et aux frais du concessionnaire. Dans les deux cas, la rémunération du concessionnaire résultait du produit des redevances perçues sur les usagers. Dans de nombreux cas, les concessions étaient mixtes, regroupant des éléments de travaux publics et de services publics, telle par exemple les concessions d’autoroute visant à la construction d’un ouvrage public, pour ensuite exploiter le service public des autoroutes.

En 1993, la Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite Loi Sapin) introduit la notion de contrat de délégation de service public, englobant celle de concession de service. Cette qualification est reprise par la loi Murcef du 11 décembre 2001, définissant la délégation de service public comme le « contrat par lequel une personne publique confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation ». Une délégation de service public implique ainsi qu’une part significative du risque d’exploitation soit transférée au délégataire (CE, 7 nov 2008, Département de la Vendée).

Mais la notion évolue sous l’influence de la directive européenne 2014/23 du 26 février 2014, transposée par l’ordonnance du 29 janvier 2016. La délégation de service public est alors intégrée au sein de la catégorie de concession, alors définie comme le contrat d’exécution de travaux ou de gestion d’un service confié à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré le risque de l’exploitation en échange d’une contrepartie financière (rémunération sur l’exploitation et potentiellement fixation d’un prix payé par le concédant). Cette définition ne comporte plus de référence au caractère public des travaux ou du service. Elle peut donc renvoyer à des travaux privés et des services de caractère privé (ex. : CE, 25 mai 2018, société Philippe Védiaud Publicité : le contrat litigieux avait pour objet l’installation, l’exploitation, la maintenance et l’entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l’information municipale : « le contrat en cause ne confie à son attributaire la gestion d’aucun service public »). C’est la définition aujourd’hui codifiée à l’article L. 1111-1 CCP. Cet article précise que le risque supporté ne doit pas être « purement théorique ou négligeable » mais comporter « une réelle exposition aux aléas du marché ».

Pour citer cette page : Marie-Joëlle Redor-Fichot et Xavier Aurey, « I. Préalable : les contrats de la commande publique », Introduction au droit administratif, Fondamentaux, 2024 [https://fondamentaux.org/?p=1241]

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