III. Le régime juridique des services publics

Se poser la question du régime juridique des services publics, c’est interroger tant les règles tenant à la création et à la suppression de ces services (A), qu’aux principes qui en gouvernent l’action (B) et aux règles applicables (C). Si les principes sont communs à tous les services, tant le régime de création que d’exécution diffèrent en revanche en fonction de deux critères principaux : la nature de la personne qui le gère et/ou la nature de l’activité.

Les règles de création et de suppression des services publics

En principe, seules les personnes publiques peuvent créer des services publics c’est-à-dire ériger une activité en service public. Cette création peut faire l’objet d’un acte explicite (norme constitutionnelle, législative ou administrative) mais elle est tout aussi souvent implicite. La décision de créer un service public est largement discrétionnaire (laissée au choix de la personne publique) d’autant plus que la notion d’intérêt général est assez floue. Néanmoins il y a un certain nombre de règles qu’il faut tout de même respecter.

Certaines limites à la création d’un service public résultent de la Constitution. Par exemple, le principe de laïcité exclut toute création d’un service public cultuel (hormis le cas de l’Alsace-Moselle relevant du régime concordataire). Toutefois, la plupart des règles s’inscrivent dans le cadre de deux distinctions : celle entre les services publics obligatoires et les services publics facultatifs (1) et celle entre les services marchands et les services non-marchands (2).

La distinction entre services publics obligatoires et facultatifs

Un service public obligatoire est une activité dont la prise en charge sous forme de service public est imposée par un texte normatif. Cette obligation peut être imposée au législateur par la Constitution ou par des textes internationaux. Elle peut également être imposée aux autorités locales par la loi.

Ainsi, parmi les services publics constitutionnels (c’est-à-dire ceux imposés par la Constitution), on retrouve : la monnaie, la diplomatie, la justice, la préservation de l’environnement, la police, la défense, l’enseignement, l’aide sociale, la sécurité sociale… Le problème en ce domaine est que la liste reste assez floue dès lors que les textes constitutionnels et notamment ceux issus du Préambule sont riches et renvoient à diverses notions.

Par la signature de certaines conventions internationales, la France peut accepter la création de services publics, tels celui de la sécurité de la navigation aérienne (Convention relative à l’aviation civile internationale de 1944) ou encore de la gestion des réfugiés (Convention de 1951 relative au statut des réfugiés).

La loi peut enfin imposer aux collectivités territoriales d’organiser certains services comme c’est le cas par exemple pour les transports scolaires ou le service des archives. Ces services doivent être créés et organisés et ne peuvent être supprimés que par la loi.

Toute autre activité qualifiable de service public est dite facultative et relève en principe d’une liberté de création et de suppression, sous réserve toutefois de la distinction entre services marchands et services non-marchands.

La distinction services marchands/services non marchands

En principe, les pouvoir publics sont libres de créer des services publics tant que par cette action ils ne portent pas atteinte aux droits et libertés, dont la liberté du commerce et de l’industrie et la liberté d’entreprendre. Le respect de ces deux libertés particulières pose spécialement la question de la possibilité de créer des services publics dont l’activité a une visée marchande. En pratique, soulignons dès à présent que cette distinction interne entre services marchands et services non-marchands reprend l’approche européenne entre les services d’intérêt économique général et les services d’intérêt non-économique général (une distinction qui, comme nous l’avons vu, ne recoupe pas complètement celle entre les SPA et les SPIC, certains SPA ayant encore un objet marchand).

Comme le souligne le Conseil d’État en 2006 (CE, 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris), le respect de la liberté du commerce et de l’industrie ne s’impose pas dès lors que l’activité érigée en service public ne s’exerce pas sur un marché. En l’espèce, l’État avait décidé de créer une mission d’appui aux collectivités territoriales qui voulaient mettre en place des contrats de partenariat publics privés. Or l’ordre des avocats de Paris a contesté la légalité de cette création au motif d’une concurrence déloyale. Pour le juge, le rôle de l’État est ici de veiller à ce que les collectivités territoriales appliquent correctement la loi, il s’agit de les aider à se repérer dans le mécanisme de contrat de partenariat mais il ne s’agit pas de négocier des contrats de partenariat. Ce n’est en ce sens pas une activité économique et le service n’est pas marchand.

Toutefois, il est tout de même possible pour l’État de créer un service public marchand dans un secteur économique où interviennent déjà des personnes privées. Pendant longtemps, la jurisprudence de principe a conditionné ces créations de manière à respecter le service de liberté du commerce et de l’industrie (CE, 1930, chambre syndicale du commerce en détail de Nevers). Dans cette espèce, la commune de Nevers avait mis en place un service de ravitaillement municipal de manière à enrayer l’augmentation de coût de la vie. Elle s’inscrivait dans un mouvement dit de socialisme municipal développé dans les années 1920 qui consistait pour les communes à créer des services publics locaux du type boucherie, épicerie municipales… Les commerçants avaient alors attaqué la délibération du conseil municipal. Le Conseil d’État rappelle que les activités industrielles et commerciales relèvent en principe de l’initiative privée et que les collectivités publiques ne peuvent les ériger en services publics « que si, en raison de circonstances particulières de temps ou de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière ». Un intérêt général particulier et local doit en ce sens pouvoir justifier cette création. En l’espèce, l’absence d’un tel intérêt amène le Conseil d’État à donner raison aux commerçants de Nevers (cf. également CE, 2010, département de la Corrèze où le juge parle d’un intérêt public local).

En réalité, cet intérêt général particulier ne peut guère résulter que d’une carence de l’initiative privée ou de toute autre circonstance entraînant l’existence d’un besoin local spécifique (situation de guerre ou de catastrophe par exemple). La personne publique ne peut ainsi intervenir dans un domaine marchand que si l’initiative privée ne satisfait pas les besoins dans le domaine en question. Si pendant l’entre-deux guerres, le juge interprète de manière stricte cette question, son approche devient plus souple au sortir de la Seconde guerre mondiale même si la carence de l’initiative privée n’est encore envisagée que du point de vue quantitatif.

En 1964, le juge admet qu’une carence qualitative peut justifier la création d’un service public marchand (CE, 1964, ville de Nanterre). Cette affaire concernait la création par la ville de Nanterre d’un cabinet dentaire municipal dans une ville où tous les dentistes pratiquaient des tarifs supérieurs à ceux remboursés par la Sécurité sociale. Ici le juge admet que malgré la présence de dentistes en nombre suffisant dans la ville, l’absence d’un praticien au tarif de la sécurité sociale justifie la création d’un cabinet dentaire par la ville sous forme d’un service public municipal. A contrario, est contraire à la liberté du commerce et de l’industrie la création d’un service d’assurance par un département alors qu’existe déjà une offre importante en la matière (CE, 1984, département de la Meuse).

Certaines incertitudes demeurent. Tout est en effet une question d’appréciation des faits, qui est variable suivant les époques et les juges. Dans les années 1980 s’est par exemple développée une jurisprudence favorable aux petites communes rurales. Ainsi, en 1983, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand admet par exemple la légalité de la création d’une auberge municipale dans une petite commune (TA Clermont-Ferrand, 1983, Hugues Taÿ).

De même, la distinction entre services marchands (seuls à se voir imposer le respect de la liberté du commerce) et non marchands (dont la création reste libre) est elle aussi soumise à interprétation. Doit-on y inclure l’ensemble des services de santé ? Les services d’enseignement ? Les activités culturelles ? La réponse dépend alors de l’idée que l’on se fait du rôle de l’État au moment donné (État libéral, providence, régulateur…).

Enfin, la question de la liberté du commerce et de l’industrie n’est pas à prendre en compte lorsque la personne publique crée un service public pour satisfaire ses propres besoins. En ce sens, n’est pas contraire à cette liberté l’activité d’une boulangerie militaire qui fournit du pain aux prisons (CE, 1970, société Unipain).

Les conséquences attachées à la notion de service public : les lois du service public

Quelle que soit l’activité de service public en cause (SPA ou SPIC, services marchands ou non marchands), certains principes lui seront toujours applicables. Ils sont liés au but de tout service public : la satisfaction de l’intérêt général pour toutes et tous (et non le seul intérêt financier de son gestionnaire). Les trois premiers de ces principes ont été dégagés au début du XXe siècle par le professeur Louis Rolland (on les connait d’ailleurs sous le nom de Lois du service public ou Lois de Rolland) et renvoient à trois contraintes essentielles : le principe d’égalité (1), le principe de continuité (2) et le principe de mutabilité (3). Au cours du XXe siècle, plusieurs autres règles sont venues compléter ces lois (4).

Le principe d’égalité devant le service public

Ce principe découle directement du principe d’égalité devant la loi tel qu’énoncé par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Appliqué très tôt aux usagers des services publics (CE, 1911, Chomel), il a été reconnu comme un principe général du droit par le Conseil d’État en 1951 (CE, 1951, Société des concerts du conservatoire) et a également une valeur constitutionnelle au titre du bloc de constitutionnalité depuis la décision de 1971 du Conseil constitutionnel (CC, 1971, Liberté d’association). En 2001, le Conseil constitutionnel a également consacré un principe constitutionnel particulier d’égalité des usagers devant le service public (CC, 2001, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception).

Essentiel en matière de service public, ce principe a des implications tant pour les personnels que pour les usagers. S’il n’interdit pas toute distinction entre les personnes (a), celles qualifiables de discriminatoires sont formellement prohibées (b). Dans le même sens, il impose une neutralité de l’État face aux usagers (c).

Egalité et différenciation

Le principe d’égalité n’implique pas de traiter tous les usagers ou les personnels d’un service public exactement de la même manière. Une différenciation entre les personnes est en effet possible si les personnes en cause sont dans des situations différentes (i) ou, si alors que la situation est similaire, il existe un motif spécifique d’intérêt général (ii). Dans tous les cas, la différenciation doit être en rapport avec l’objet du service et elle ne doit pas être manifestement disproportionnée.

Identifier objectivement des situations différentes

L’appréciation de la similarité des situations s’observe au regard du service dont on souhaite vérifier s’il respecte le principe de légalité. Elle doit être objectivement appréciable. En ce sens, le Conseil d’État a considéré que les habitants de l’Ile de Ré et ceux du continent étaient dans une situation différente au regard du service de transport par bac qui les reliait (CE, 1974, Denoyez et Chorques), ou, selon le Conseil ou constitutionnel, que ceux habitant en Charente maritime sont dans une situation différente des autres personnes pour l’usage du pont à péage reliant l’Ile de Ré au continent (CC, 1979, DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales), justifiant alors des tarifs différents. Il en va de même pour la différence de situation au regard des tarifs de la cantine entre les élèves d’une école habitant dans la commune où elle est située et ceux habitant en dehors de cette commune (CE, 1984, commissaire de la République de l’Ariège. Ici la différence de situation est liée aux conditions d’exploitation du service à savoir la prise en charge partielle du prix des repas par le budget de la commune)

En matière d’aide sociale, on peut logiquement admettre des tarifs d’accès différents en fonction des revenus des familles. En revanche, la nationalité ne constitue pas un motif pertinent, ainsi la ville de Paris ne peut soumettre l’obtention d’une aide à la scolarisation des enfants de la ville à la condition que ces enfants soient de nationalité française (CE, 1989, ville de Paris c. Lévy).

Enfin, si l’administration peut traiter des situations différentes de manière différente, le Conseil d’État estime qu’elle n’est pas obligée de le faire (CE, 1997, société Baxter).

L’intérêt général comme motif de différenciation

Lorsque les situations sont objectivement similaires, seul un motif d’intérêt général spécifique peut autoriser l’administration à traiter différemment les personnes. Cette approche laisse une marge d’appréciation importante à l’administration dès lors que la notion d’intérêt général est variable et floue. En 1965 (CE, 1965, club aérien Les Gerfauts), le Conseil d’État admet ainsi que le fait de faciliter l’apprentissage du pilotage d’avions est un but d’intérêt général à même de justifier un tarif préférentiel dans les taxes d’atterrissage pour les avions appartenant à des aéroclubs agréés.

De même l’accès pour tous à l’éducation musicale est un but d’intérêt général suffisant pour autoriser une différenciation suivant les revenus dans les tarifs d’accès à une école de musique (CE, 1997, commune de Gennevilliers et commune de Nanterre ; renversant une jurisprudence contraire CE, 1985, Ville de Tarbes). Dans un autre domaine, les nécessités d’intérêt général relatives aux conditions d’exploitation d’un service de distribution du courrier peuvent autoriser des différences de traitement liées à l’inégale répartition des boîtes aux lettres dans la commune de Noisy-le-Sec (CE, 1997, Poirrez).

En matière de services publics industriels et commerciaux, la viabilité économique du service est considérée par le juge comme un motif d’intérêt général autorisant à différencier les usagers pourtant dans une même situation (CE, 1993, avis « Tarification de la SNCF », à propos des billets à prix différencié sur une même liaison suivant le moment de la journée ou la période de l’année).

En revanche, le but pour l’administration d’éviter les manœuvres de contournement du numerus clausus aux études médicales en France n’est pas suffisant pour justifier une différenciation suivant le pays de suivi de la formation initiale pour l’accès en troisième cycle d’études médicales (CE, 2013, Naudet-Baulieu et autres).

Dans tous les cas, aucun motif interdit ne peut justifier une différenciation, sinon à être qualifié de discrimination.

Refus des discriminations

Certaines caractéristiques individuelles et motifs ne peuvent permettre à l’administration de qualifier une différence de situation justifiant un traitement différent. Ce sont ceux fondés sur l’opinion, le genre, la sexualité, la religion, la couleur de peau ou l’origine.

Cette interdiction des discriminations s’applique tant envers les usagers qu’envers les personnels des services publics. Ainsi, un tel motif interdit ne peut servir à distinguer entre les personnels pour l’accès à l’emploi public ou leur avancement de carrière. En ce sens, le juge a censuré le refus d’accès au concours de l’ENA à un candidat du fait de ses opinions politiques (CE, 1954, Barel) ou le refus d’admission au concours de police à la suite de questions posées au candidat sur ses pratiques religieuses et celles de sa femme (CE, 2009, El Hadioui).

Seules sont possibles des différenciations fondées sur un tel motif si elles sont expressément prévues par la Constitution. Ainsi, la révision constitutionnelle de 1999 a ajouté un deuxième alinéa à l’article 1e de la Constitution de 1958 selon lequel « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » afin de permettre l’introduction de quotas par sexe pour les élections. En 2008, une nouvelle révision a complété ce principe de parité en l’étendant aux responsabilités professionnelles et sociales. Visant à rééquilibrer une situation inégalitaire entre les hommes et les femmes dans l’accès aux responsabilités publiques et privées, c’est aujourd’hui la seule discrimination positive autorisée par la Constitution en France.

Corollaire du principe d’égalité : le principe de neutralité

En 1986, le Conseil constitutionnel énonce le principe de neutralité comme corollaire du principe d’égalité (CC, 1986, Loi relative à la liberté de communication). Ce principe impose à l’État et à ses agents de ne pas explicitement ou implicitement favoriser une opinion ou une partie de la population, d’agir avec impartialité. Les administrations et agents de l’État, dans l’exercice de leurs missions, ont en ce sens un devoir de réserve aussi bien dans l’expression des idées philosophiques et politiques que des opinions religieuses. Ainsi, en 2005, le Conseil d’État a pu considérer que la Commune de sainte Anne ne pouvait accrocher un drapeau indépendantiste à son fronton dès lors que le principe de neutralité des services publics interdit d’apposer des signes religieux ou politisés sur un édifice public (CE, 2005, Commune de sainte Anne).

Depuis le début des années 2000, c’est en matière de neutralité religieuse que ce principe fait le plus parler de lui, autour de l’idée de laïcité. En ce sens, il est fait interdiction aux agents d’un service public de faire du prosélytisme religieux, ce qui entraîne selon le juge une interdiction de manifestation des croyances religieuses (CE, 2000, avis, Mlle Marteaux). Toutefois, cette interprétation peut poser problème en termes d’égalité d’accès à l’emploi public dès lors qu’elle empêche le recrutement de toute personne dont les préceptes religieux l’obligent ou l’incitent à porter certains signes distinctifs (voile, turban, kippa…).

Cette interdiction s’applique à tous les agents d’un service public qu’ils soient titulaires ou stagiaires (CE, 2017, Boutaleb et a.), employés par une personne publique ou par un organisme privé en charge d’un service public (Cass., 2013, Baby-Loup). En revanche, le principe de neutralité ne s’applique qu’aux agents et non aux usagers, à l’exception notable des élèves des établissements scolaires publics du primaire et du secondaire.

En 1989, le Conseil d’État adopte une approche souple de cette question, soulignant que les élèves peuvent arborer des signes d’appartenance religieuse si cela ne perturbe pas l’ordre dans l’établissement (CE, 1989, avis). Toutefois, les choses changent avec la loi du 15 mars 2004 qui interdit le port de signe manifestant ostensiblement l’appartenance à une religion dans les établissements scolaires. Cette interdiction vaut tant pour les signes explicites, tels le turban sikh (CE, 2007, Singh) que ceux qui par eux-mêmes n’ont pas de connotation religieuse mais sont portés pour contourner l’interdiction et afficher une appartenance religieuse, tel le port d’un bandana pour remplacer le voile islamique (CE, 2007, Ghazal). Cette dernière approche est d’autant plus problématique qu’elle amène le juge à devoir interpréter la fonction et la signification de tel ou tel vêtement, dans une approche extrêmement subjective de chaque situation.

Le principe de continuité du service public

L’objectif d’intérêt général au fondement d’un service public implique que celui-ci soit exercé de manière continue. Toute interruption dans le fonctionnement d’un tel service (en temps et/ou en lieux) est dès lors vue comme contradictoire avec l’idée de généralité de cet intérêt général. Ce principe a été reconnu comme un principe de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel en 1979 (CC, 1979, Loi relative à la continuité du service public de la radio et de la télévision).

Au regard des services publics, la continuité implique l’absence d’interruption injustifiée du service. Pour certains de ces services, cela se traduit par leur quasi-permanence, dès lors qu’il est nécessaire d’y avoir accès à tout moment : police, pompiers, urgences médicales, distribution d’eau ou d’électricité… Pour les autres, la continuité renvoie à une accessibilité à des heures normales. En matière de distribution d’eau et d’électricité ou de télécommunications, l’article L. 115-3 du Code de l’action sociale et familiale prévoit que les gestionnaires publics et privés de ces services ne peuvent d’ailleurs pas interrompre le service pour les usagers qui ne paieraient pas leur redevance, tant qu’une commission d’aide n’a pas statué (interdiction des coupures du 1e novembre au 15 mars pour l’électricité, toute l’année pour l’eau et les télécommunications). Comme nous le reverrons plus tard, ce principe de continuité a également des conséquences en matière de contrat administratif, en particulier l’interdiction faite aux entreprises délégataires de service public d’interrompre l’exécution du service.

Mais c’est sur la question du droit de grève des agents des services publics qu’il a un impact le plus remarquable et remarqué. En effet, en matière d’accès des usagers à un service public, deux principes constitutionnels entrent parfois en conflit : le principe de continuité et le droit de grève. Prévu explicitement par le Préambule de la Constitution de 1946, le droit de grève est donc un droit constitutionnel bénéficiant aussi aux agents des services publics (CE, 1950, Dehaene). Mais il entraine lorsqu’il est exercé une interruption partielle des services concernés. Son usage remet donc directement en cause le principe de continuité des services publics, lui aussi de valeur constitutionnelle (CC, 1979, Loi relative à la continuité du service public de la radio et de la télévision). C’est pour cela qu’une conciliation entre ces deux normes constitutionnelles autorise le législateur à spécialement réglementer le droit de grève dans les services publics pour en assurer la continuité. Toutefois, en l’absence d’une loi générale d’organisation du droit de grève dans les services publics (a), le Conseil d’État a également reconnu la possibilité pour les autorités administratives d’en assurer la réglementation dans leur domaine de compétence (b).

Limitation du droit de grève par la loi

Différentes lois réglementent le droit de grève dans les services publics, toutefois le juge considère qu’aucune ne le fait de manière générale, pour l’ensemble des agents de ces services. Première loi en la matière, la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics oblige au dépôt d’un préavis de grève et interdit les grèves surprises et les grèves tournantes dans les services publics. Celle du 21 août 2007, visant seulement les transports terrestres de voyageurs, impose une procédure préalable de négociation avant toute grève et oblige les agents à déclarer leur intention de faire grève 48h à l’avance afin de pouvoir organiser un service minimum (aujourd’hui codifié aux articles L. 1222-1 à L. 1222-12 du Code des transports). Une disposition similaire est adoptée par la loi du 20 août 2008 pour les écoles maternelles et primaires.

Limitation du droit de grève par l’autorité administrative

En l’absence de loi réglementant le droit de grève dans un domaine d’activité, le juge admet dès 1950 que le gouvernement mais aussi tout chef de service peut réglementer le droit de grève du personnel en lien avec les nécessités d’organisation du service (CE, 1950, Dehaene). Ce pouvoir de réglementation peut aller jusqu’à l’interdiction de la grève à certains personnels (en l’espèce pour les postes à responsabilité dans les préfectures).

Cette jurisprudence pose deux problèmes :

  • elle aboutit à une possible interdiction du droit de grève, ce qui constitue une interdiction générale et absolue, normalement prohibée (CE, 1951, Daudignac) ;
  • elle étend la compétence du pouvoir réglementaire à un domaine normalement réservé à la loi par la Constitution. En effet, d’après le Préambule de 1946, c’est le législateur qui est compétent pour réglementer le droit de grève (« le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent »). Dans ce cadre du domaine de la loi, le Conseil constitutionnel estime normalement que le pouvoir réglementaire ne peut intervenir que pour compléter la loi. Pourtant, le juge administratif de son côté y admet très facilement l’intervention du pouvoir réglementaire, notamment l’intervention des chefs de service en la matière (CE, 2010, Syndicat Sud RATP), y compris le droit du directeur de la société EDF, personne privée gérant le service, de réglementer le droit de grève des agents (CE, 2013, Fédération FO Energies et mines).

En contrepartie d’une telle extension du pouvoir des autorités administratives, le juge exerce un contrôle normal de proportionnalité sur les actes administratifs limitant le droit de grève. Il vérifie notamment que le but de l’acte administratif est bien d’éviter un usage abusif de la grève et/ou de protéger l’ordre public (CE, 2013, Fédération FO Energies et mines).

Le principe de mutabilité

Contrairement aux principes d’égalité et de continuité, le principe de mutabilité n’a jamais été reconnu au niveau constitutionnel. Toutefois, cela ne l’empêche pas d’inspirer très largement la jurisprudence administrative. On le connaît également sous le nom de principe d’adaptation, tout service public devant s’adapter aux variations des besoins d’intérêt général. Ce principe entraine le droit pour la personne publique de modifier unilatéralement les conditions d’exécution du service public (a), mais aussi l’absence de droit acquis des usagers (b) et l’absence de droit acquis du personnel au maintien de son statut (c).

Droit de modification unilatérale des conditions d’exécution du service

Que la personne publique gère elle-même le service public ou qu’elle en ait confié la gestion à une personne privée, elle conserve le droit d’en modifier à tout moment les conditions d’exécution dès lors qu’elles sont justifiées par l’intérêt général. Le Conseil d’État l’affirme dès 1902 dans un litige opposant la commune de Déville-les-Rouen à la compagnie gestionnaire de l’éclairage de la ville (CE, 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-les-Rouen). Dans cette affaire, alors que la concession du service public d’éclairage prévoyait son exécution par le biais d’un éclairage à gaz, la ville souhaite faire évoluer le service en utilisant le système électrique d’éclairage nouvellement découvert. Le juge voit dans le « droit de faire profiter ses habitants de la découverte d’un nouveau mode d’éclairage » un intérêt général suffisant pour la modification du contrat de concession.

De même en 1910, dans le cadre d’un contrat de concession d’un service de transport urbain, le juge reconnait que l’administration peut augmenter unilatéralement le nombre de rames de tramway en service dès lors que les besoins de la population ont changé (CE, 1910, compagnie générale française des tramways). Dans ce cas-là le concessionnaire a droit à une indemnité qui va couvrir les charges nouvelles liées à cette évolution.

En réalité l’administration peut modifier unilatéralement toutes les clauses du contrat fixant l’exécution du service, notamment celles concernant les relations entre les gestionnaires du service et les usagers, y compris les tarifs, moyennant une compensation adéquate du gestionnaire du service.

Absence de droit acquis des usagers au maintien du service ou de ses conditions de gestion

L’administration peut être amenée à supprimer ou modifier certains services dès lors qu’elle considère que l’intérêt général à leur maintien n’est plus suffisant ou que les conditions de leur exercice doivent évoluer. Seuls les services publics obligatoires ne peuvent être supprimés par la seule administration (ceux que la Constitution prévoit impliquant une action du Constituant, ceux que la loi prévoit une action du législateur).

En 1906, face au recours d’habitants d’un quartier de Bordeaux contestant la suppression d’une ligne de tramway, le Conseil d’État a jugé qu’il n’y avait pas de droit acquis des usagers au maintien d’un service public (CE, 1906, syndicat des propriétaires et des contribuables du quartier Croix de Seguey Tivoli). De même, en 1982, le juge considère que les étudiants n’ont pas de droit acquis à terminer leurs études dans l’université où ils les ont commencées (CE, 1982, Université Paris VII). Ainsi par exemple la SNCF peut supprimer des lignes lorsque la fréquentation est insuffisante, modifier les horaires, les tarifs, sans que les usagers puissent exiger leur maintien sauf à prouver (difficilement) que ces modifications ne sont absolument pas justifiées par des considérations liées à l’intérêt général (CE, 1997, FNAUT).

Les usagers n’ont pas non plus droit au maintien du mode de gestion du service, le service peut ainsi passer d’une gestion directe à une gestion déléguée (ou inversement).

Mais tant que le service public existe, l’usager a droit au fonctionnement normal du service et toute modification des conditions d’exercice, notamment des tarifs, ne peut valoir que pour l’avenir (CE, 1948, société du journal l’Aurore).

Absence de droit acquis du personnel au maintien de son statut

Un agent statutaire de la fonction publique (fonctionnaire) peut toujours être muté sur un poste différent et voir ses charges de travail s’alourdir – de manière raisonnable – sans qu’il n’ait droit à une compensation. Pour les personnels contractuels de droit public, ils ne peuvent non plus s’opposer au changement de situation mais ont droit à une indemnité compensatrice. Lorsque le service change de mode de gestion les contrats du personnel doivent être repris.

Le principe de mutabilité présente finalement plus d’inconvénients que d’avantages pour les usagers et le personnel. Néanmoins des garanties subsistent : les modifications doivent être limitées à ce qui est nécessaire, elles ne peuvent pas avoir d’effet rétroactif et sont susceptibles d’être contrôlées par le juge.

Les autres règles applicables à tout service public

A partir des années 1970, un nouveau principe émerge à travers la mise en place d’une série de dispositions sur l’accès aux informations en lien avec les services publics : le principe de transparence. La loi du 17 juillet 1978 sur la communication des documents administratifs met en œuvre ce principe et autorise les usagers à obtenir tout document en lien avec un service public, sauf quelques rares exceptions. L’objectif pour l’usager est de dépasser le secret qui encadre le plus souvent l’adoption des décisions administratives (pour un exemple d’application du principe, voir CE, 1990, ville de Melun). Dans son rapport de 1994, portant cette année-là sur la transparence, le Conseil d’État met en évidence ce principe de transparence pour l’ensemble des services publics, mais il précisera en 2013 que seuls les documents présentant un lien suffisamment direct avec le SP sont communicables (CE, 2013, La Poste).

Pendant un temps s’est posée la question de la gratuité de l’accès aux services publics pour les usagers, sachant qu’en l’espèce la gratuité implique que le coût du service repose sur l’ensemble des contribuables. Il n’existe pas d’obligation pour l’État de fournir un service public gratuitement, sauf quelques rares exceptions, tel le service public de l’enseignement dont le Préambule de 1946 prévoit que son organisation est gratuite à tous les degrés. De même tous les services publics qui relèvent de l’exercice de la souveraineté ne peuvent être financés que par l’impôt – et donc relever d’un accès « gratuit » pour les usagers. Il en va ainsi par exemple des services de secours. Toutefois, même dans ce cadre-là, une participation de l’usager peut être mise en place dès lors que le service de secours est exercé au regard d’une situation singulière dans laquelle s’est mise la personne en prenant un risque (par exemple le secours d’une personne qui serait sortie en mer malgré un avis de tempête).

Dans tous les cas, l’idée de gratuité du service public ne trouve pas sa place dans les services publics industriels et commerciaux dès lors que le paiement d’une redevance par l’usager est l’un des critères d’identification d’un tel service.

Le droit applicable aux services publics

Si le SPA relève essentiellement du droit administratif, puisqu’il renvoie en principe à une activité administrative par nature, et que le SPIC relève principalement du droit privé, les choses sont en pratique un peu plus complexes. Au-delà de cette dichotomie fondamentale entre SPA (A) et SPIC (B), le droit applicable aux services publics diffère également en fonction de la personne en charge du service (personne publique ou privée) et de l’objet juridique en cause (actes unilatéraux, contrats, relations avec usagers ou avec le personnel, biens ou encore responsabilité extracontractuelle). Nous reviendrons plus en détails sur la qualification des actes administratifs et des contrats administratifs aux chapitres qui leur sont consacrés, il est cependant pertinent de les évoquer rapidement ici.

Le droit applicable aux SPA

Le SPA géré par une personne publique

Dans ce cadre, la combinaison du critère organique (la personne publique gestionnaire) et du critère matériel (nature administrative de l’activité gérée) implique logiquement que le régime juridique applicable soit le droit administratif. Nous verrons qu’il y a cependant quelques exceptions notamment pour le cas des contrats.

Ainsi, les hôpitaux publics, les Universités, les centres communaux d’action sociale, le service de la défense nationale… relèvent presque exclusivement du droit administratif. Leurs actes unilatéraux (qu’ils soient réglementaires ou individuels) relèvent du droit administratif et donc en cas de litige c’est le juge administratif qui devra être saisi. Il en va de même de leurs relations avec les usagers dont on estime qu’ils se trouvent non pas dans une situation contractuelle mais qu’ils sont régis par le règlement du service. Les décisions prises à leur égard relèvent donc du droit public et il en est de même pour la responsabilité extra-contractuelle de la personne publique gérant le SPA

En matière de contrat en revanche, il y a plus largement place à l’application du droit privé. Il convient ici d’appliquer les critères du contrat administratif mis en place par la jurisprudence à moins que le législateur ne soit intervenu pour qualifier le type de contrat en cause.

Ainsi, lorsque le cocontractant de la personne publique est une personne privée, le contrat n’est administratif que si l’un des deux critères alternatifs suivants est rempli :

  • Soit l’objet du contrat est l’exécution du service public. C’est notamment le cas des contrats conclus avec le personnel quelle que soit leur fonction dans le service : depuis 1996, tous les personnels contractuels d’une personne publique gérant un SPA sont des agents contractuels de droit public, sauf loi contraire (TC, 1996, Berkani)
  • Soit le contrat contient une clause exorbitante du droit commun (PPP), et si cette clause est favorable à la personne publique (cette dernière partie résultant d’une évolution de la jurisprudence : TC, 2020, société Eveha).

La responsabilité contractuelle suit le contrat (autrement dit si le contrat à l’origine du dommage est un contrat de droit privé, la responsabilité qui s’en suit relève elle aussi du droit privé et le litige devra être porté devant le juge judiciaire.

Au contraire, la responsabilité extra-contractuelle (par exemple en cas de dommage causé à un usager du service, ou de dommage causé à un tiers du fait du mauvais fonctionnement du service) relèvera en principe du droit public.

Il en résulte que les relations de la personne publique gérant le SPA avec ses usagers, son personnel et le plus souvent avec les tiers relèvent du droit public.

Le SPA géré par une personne privée

C’est le cas par exemple des activités des ordres professionnels, des fédérations sportives, des services publics culturels gérés par des associations sur délégation…

Le critère organique (la personne privée gestionnaire) laisse penser que c’est le droit privé qui s’appliquera mais le critère matériel (activité de SPA) implique l’application du droit public. On a donc ici un mélange de droit privé et de droit public, mais c’est le droit privé qui domine contrairement au cas précédent. Si les relations avec les usagers relèvent en principe du droit public, celles avec le personnel et la gestion des biens sont de droit privé (sauf bien sûr si une collectivité publique met à disposition des agents ou des biens). Pour le reste, il faut distinguer entre les actes unilatéraux (i), les contrats (ii) et la responsabilité (iii).

Les actes unilatéraux

Les actes unilatéraux d’une personne privée en charge d’un SPA sont en principe des actes de droit privé. Il existe toutefois une exception pour les actes pris dans le cadre du service et mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique : ils sont alors qualifiés d’actes administratifs (CE, 1961, Magnier). En l’espèce, la Fédération des groupements de défense contre les ennemis des cultures du département de l’Aisne (personne privée) a traité d’office les terrains de M. Magnier pour détruire un insecte jugé nuisible qui était présent. M. Magnier ne veut pas payer la facture qui lui est ensuite présentée. Toutefois, la question se pose de savoir devant quel juge il doit présenter sa requête. La fédération est reconnue comme étant en charge d’un service public administratif et l’acte en question manifeste la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique (c’est un acte de commandement : M. Magnier n’a pas choisi de faire traiter ses terrains, cette décision lui a été imposée par la Fédération). Le juge qualifie donc l’acte d’acte administratif, relevant dès lors du droit administratif et du juge administratif. Cette solution est logique dès lors que les prérogatives de puissance publique sont la marque de l’action administrative.

En 2015, le Tribunal des conflits précise que la notion d’acte pris dans le cadre du service correspond aux actes ayant pour « objet de régir l’organisation du service public » (TC, 2015, Union interprofessionnelle CFDT de Saint-Pierre-et-Miquelon), ce qui concerne aussi bien des actes réglementaires que des mesures prises pour l’accomplissement d’un service public et dans l’exercice de prérogatives de puissance publique),.

Les contrats

Là encore, le critère organique est décisif. Dès lors qu’un SPA est géré par une personne privée, il y a une présomption de contrat de droit privé pour ceux passés avec une autre personne privée. La jurisprudence n’admet que quelques rares exception si deux éléments fondamentaux sont présents : d’une part un mandat de la personne publique, d’autre part soit que le contrat vise à l’exécution du service public, soit qu’il contienne une clause exorbitante du droit commun (nous y reviendrons au chapitre sur les contrats administratifs).

Responsabilité extra-contractuelle

Pour la responsabilité extra-contractuelle des personnes privées en charge d’un SPA, c’est le droit privé qui domine sauf si le dommage en cause résulte de travaux publics, d’un ouvrage public ou de l’exercice d’une prérogative de puissance publique. Par exemple, lorsqu’un automobiliste a un accident sur une autoroute exploitée sous forme de SPA par une société privée, et que cet accident est dû à un nid de poule sur la route, le dommage résulte d’un défaut dans un ouvrage public et relève donc du régime de la responsabilité administrative (TC, 7 juin 1982, société des autoroutes du sud de la France).

Le droit applicable aux SPIC

Lorsque l’on est en présence d’un SPIC, le droit public devient l’exception, même si le gestionnaire est une personne publique. La jurisprudence a d’ailleurs identifié un bloc de compétence judiciaire (c’est-à-dire une compétence exclusive des juridictions judiciaires) pour tous les SPIC :

  • Pour toutes les relations avec les usagers (TC, 17 décembre 1962, Dame Bertrand contre commune de Miquelon) ;
  • Pour toutes les relations avec son personnel, sauf pour le directeur et le comptable public d’un SPIC géré par une personne publique (CE, 1957, Jalenques de Labeau) ou pour les personnels ayant la qualité de fonctionnaire, en vertu de l’article 2 de la loi Le Pors de 1983. Par dérogation à ces exceptions, il faut prendre en compte les régies municipales de gaz et d’électricité pour lesquelles la loi prévoit un statut de droit privé pour l’ensemble des personnels (CE, 2015, Régie électrique de Montvalezan-La Rosière).

Les relations d’un organisme chargé d’un SPIC avec ses usagers et son personnel relèvent ainsi du droit privé et, en cas de litige, du juge judiciaire. Il s’agit en effet de rapprocher la gestion du SPIC de celle d’une entreprise ordinaire et la situation de l’usager de celle de client (alors même qu’il y a ici l’obligation d’agir dans l’intérêt général).

Deux choses ne changent toutefois pas : la question des biens et celle des contrats (sauf bien sûr pour les contrats avec les usagers comme on vient de le voir). Les biens de la personne publique pour la gestion du SPIC continuent à relever du droit public. Pour les contrats passés avec les tiers, la plupart sont des contrats de droit privé (voir le chapitre « contrats » sur les critères du contrat administratif).

S’agissant des actes unilatéraux, c’est la question de leur rapport avec l’organisation du service public qui permet de renverser la qualification d’acte de droit privé vers celle d’acte administratif :

  • Pour les personnes publiques, cela suffit à qualifier l’acte d’administratif ;
  • Pour la personne privée, seuls les actes réglementaires d’organisation du service public seront considérés comme administratifs, à l’exclusion donc des actes individuels (TC, 1968, époux Barbier). Il faut y voir une manifestation implicite de la présence de prérogatives de puissance publique.

Concernant la responsabilité extracontractuelle, dès lors qu’un usager est en jeu, c’est un régime de responsabilité de droit privé, sinon pour la responsabilité à l’égard des tiers (ce qui est plus rare), on applique aux personnes publiques et personnes privées le même régime que pour la personne privée gérant un SPA, c’est-à-dire un régime de droit privé sauf pour les litiges en lien avec l’utilisation de prérogatives de puissance publique ou un dommage en raison de travaux publics ou d’un ouvrage public.

On peut résumer tout cela par le tableau suivant :

 SPASPIC
Personne publiquePersonne privéePersonne publiquePersonne privée
Actes unilatérauxActes administratifsActes administratifs si mise en œuvre de PPPActes administratifs pour l’organisation du service
Actes privés pour la gestion du service
Actes administratifs si acte réglementaire d’organisation du service
Actes privés pour tous les autres actes
ContratsContrat administratif si par détermination de la loi (occupation du domaine public…)
Contrats administratifs si : 2 cocontractants sont des personnes publiques OU si exécution du SP OU si clause exorbitante bénéficiant à la personne publiqueContrat de droit privé sauf si (cumulatif) : Mandat de la personne publique Exécution du SP OU clause exorbitanteToujours droit privé avec les usagers
Contrats administratifs si : 2 cocontractants sont des personnes publiques OU si exécution du SP OU si clause exorbitante bénéficiant à la personne publiqueContrat de droit privé sauf si (cumulatif) : Mandat de la personne publique Exécution du SP OU clause exorbitante
UsagersSituation réglementaire de droit public en principeLiens de droit privé
PersonnelAgents de droit public (statutaires ou contractuels)Agents de droit privé, sauf mise à disposition d’agents publicsAgents de droit privé, sauf exceptions (directeur et agent comptable ou fonctionnaire)Agents de droit privé (sauf maintien du statut de fonctionnaire dans le cadre d’anciens EP)
BiensDomaine publicBien privés (sauf mise à disposition par P. publique)Domaine publicBien privés (sauf mise à disposition par P. publique)
Responsabilité extra-contractuelleDroit administratifDroit privé en principe, sauf litige lié à l’utilisation de PPP ou dommages de TP/OPDroit privé (toujours pour les usagers, quelques exceptions pour les tiers : PPP, OP/TP)
Pour citer cette page : Marie-Joëlle Redor-Fichot et Xavier Aurey, « III. Le régime juridique des services publics », Introduction au droit administratif, Fondamentaux, 2024 [https://fondamentaux.org/?p=1204]

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