En matière administrative, le principe de responsabilité signifie que lorsqu’un dommage est imputable à une personne publique (ou à une personne privée gérant un service public), cette personne est tenue de réparer le préjudice subi par l’administré qui en est victime.
Jusqu’au XIXe siècle, le principe était au contraire celui de l’irresponsabilité de l’administration : on estimait notamment que la souveraineté de l’État empêchait toute mise en jeu de sa responsabilité (selon l’idée que le souverain ne peut mal faire). Mais il existait déjà des exceptions à ce principe, en ce qui concerne notamment les collectivités locales pour lesquelles l’argument de la souveraineté ne pouvait être invoqué, mais aussi les dommages causés par la gestion du domaine de l’État, puis les dommages causés par les actes de gestion de l’État, enfin les dommages causés par les travaux publics de l’État (la loi du 28 pluviôse an VIII répondant ainsi à l’une des revendications des cahiers de doléances).
Une fois la possibilité d’une responsabilité de l’administration établie, encore fallait-il connaître le droit applicable et donc le juge compétent pour statuer sur le litige. Par sa décision du 8 février 1873 (TC, 1873, Blanco), le Tribunal des conflits pose le principe selon lequel la responsabilité de l’État n’est ni générale, ni absolue mais qu’elle obéit à des règles spéciales, autrement dit que cette responsabilité est gouvernée par les règles du droit administratif, non par celles du droit civil. C’est le juge administratif qui va alors progressivement mettre en place les règles de cette responsabilité.
A la suite de la décision Blanco, deux évolutions se sont produites qui ne sont pas sans lien avec les transformations de l’économie et du rôle de l’État depuis la fin du XIXe siècle : la multiplication des activités des pouvoirs publics accroît en effet les occasions de causer des dommages aux particuliers. La mise en jeu de la responsabilité administrative apparaît dès lors comme la contrepartie nécessaire de la multiplication de ces activités, elle permet de faire accepter aux administrés ce nouveau rôle des pouvoirs publics.
Ainsi, d’une part, la responsabilité administrative a été progressivement étendue à tous les services ou presque, notamment aux services de police à partir de l’arrêt CE, 1905, Tomaso Grecco (un taureau s’était échappé et un coup de feu tiré pendant l’opération atteint M. Grecco dans sa maison. Il intente une action en responsabilité contre l’État car il pense que le coup de feu a été tiré par un gendarme).
D’autre part, la mise en jeu de la responsabilité administrative est devenue de plus en plus facile : alors qu’initialement, cette responsabilité ne pouvait guère être engagée que pour faute, et même le plus souvent pour faute lourde, elle peut l’être aujourd’hui dans bien des cas sans devoir identifier une faute de l’administration.
Ces évolutions sont essentiellement dues à la jurisprudence, le juge administratif ayant été très actif en la matière. Aujourd’hui (et comme nous le verrons en fin de chapitre), le législateur organise de plus en plus souvent, mais de manière marginale, des régimes spécifiques avec la mise en place de fonds d’indemnisation pour certains dommages.
Cette responsabilité administrative relève donc en principe du droit administratif et de la compétence du juge administratif en cas de litige. Il existe cependant quelques exceptions. Certains dommages causés par l’activité de l’administration relèvent du droit commun de la responsabilité civile (ancien article 1382, nouvel article 1240 du Code civil) dont le contentieux est apprécié par le juge judiciaire : c’est le cas des dommages résultant d’une activité de gestion privée (par exemple imputable au fonctionnement d’un SPIC) et des contentieux que la loi attribue au juge judiciaire (ex. : loi du 31 décembre 1957 relative aux accidents causés par des véhicules). En outre, certains dommages, alors qu’ils sont soumis au droit de la responsabilité publique, relèvent tout de même de par la loi ou la jurisprudence du juge judiciaire. C’est le cas par exemple de la responsabilité de l’État pour les dommages causés par l’activité du service public judiciaire (Cass, 1956, Trésor public c. Giry) ou de sa responsabilité du fait des détentions provisoires injustifiées (loi du 17 juillet 1970).
Quelle que soit la diversité des situations, le droit à réparation du préjudice causé par l’administration a toujours le même fondement juridique : le principe d’égalité devant les charges publiques. C’est en effet parce que le préjudice causé à l’administré crée à son encontre une rupture de l’égalité devant les charges publiques que l’administration doit en principe réparer ce préjudice de manière à restaurer l’égalité des administrés devant l’activité de l’administration. Cependant, tout dommage n’entraîne pas systématiquement réparation. Le juge exige en effet la réunion d’un ensemble de conditions pour mettre en jeu la responsabilité administrative. Ces conditions ont trait d’abord au fait générateur du préjudice (ou fait dommageable) qui détermine pour partie le système de responsabilité applicable (I), elles concernent ensuite la possibilité d’imputer le préjudice à l’administration, on parle alors d’un lien de causalité (II), enfin elles ont trait au préjudice lui-même devant présenter certains caractères pour pouvoir être réparé (III).
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