Introduction – Le droit administratif : un droit des activités administratives

Le droit administratif est une branche du droit public, ce dernier étant entendu largement comme l’ensemble des règles juridiques visant à l’organisation de l’Etat et de ses diverses institutions. Au sein de cette branche du droit, et comme son nom l’indique, le droit administratif vise plus particulièrement la réglementation d’une notion abstraite, nommée « Administration ».

Constitutionnellement parlant, en France, cette notion est présente dès 1789 au sein de deux articles de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen :

Article 13 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable »

Article 15 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »

On la retrouve également aux article 20 et 72 de la Constitution de 1958 :

Article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée »

Article 72 : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités [territoriales] s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences »

Ces deux derniers articles renvoient aux deux manières de concevoir juridiquement la notion d’administration, ici comme un ensemble d’institutions publiques soumises au pouvoir politique (article 20), là comme l’activité de gestion des affaires publiques (article 72). L’administration peut en effet à la fois être envisagée matériellement ou fonctionnellement comme une activité (on parle également de fonction administrative) et organiquement comme l’organisme qui prend en charge cette activité (on mettra alors parfois une majuscule au mot).

Comprendre la notion d’administration – et donc le champ du droit administratif – implique alors de déterminer ce que l’on entend par l’idée d’activité publique. Une approche intuitive serait d’opposer activités privées et activités publiques, en soulignant que tout ce qui ne relève pas de la première catégorie doit forcément relever de la seconde. Une telle définition par soustraction nous oblige cependant à définir la notion d’activité privée, une opération tout aussi délicate, dès lors que l’on serait tenté de dire qu’est privé tout ce qui n’est pas public… On tourne alors en rond et une autre approche est de fait indispensable.

Une approche pertinente est de revenir aux deux sens du mot administration, à la fois envisagée comme un ensemble d’institutions (l’Administration) ou d’activités (les activités administratives). Historiquement premier, le sens organique (I) a, au fur et à mesure du temps, été complété par une appréciation matérielle autour de l’idée d’activités administratives (II).

De l’Administration au droit administratif

Le droit administratif est un droit qui s’est construit au regard de l’idée que l’État ne devrait pas être soumis aux mêmes règles que les citoyens, en raison des particularités des activités étatiques (B). Il a ainsi pour fondement l’Administration publique dans son sens organique premier, comme ensemble des personnes publiques au sein de l’Etat français (A).

Une Administration au sens organique : les personnes publiques

Parler de l’Administration au sens organique, c’est déjà commettre un excès de langage dès lors qu’il existe autant d’administrations que de personnes publiques. Si l’Etat est au fondement de l’administration (1), il n’existe pas aujourd’hui une Administration publique qui serait une seule et unique personne morale de droit public, mais bien un ensemble de personnes morales de droit public participant à la fonction d’administration (3) et répondant à certaines caractéristiques communes (2).

De l’Etat aux personnes publiques, en passant par les autorités publiques

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’organisation administrative territoriale de la France est assez simple car les missions de l’administration sont limitées principalement à ses fonctions traditionnelles (justice, sécurité, système monétaire…). Le schéma est classique depuis la Révolution : au niveau national on trouve l’Etat, au niveau local les communes et les départements. En parallèle, existent également des « établissements publics » spécialement chargés d’une activité de service public précise, sous contrôle de l’Etat ou d’une collectivité. Tout ceci fonctionne alors sur un mode hiérarchisé et centralisé où tout relève au final d’une décision de l’Etat, directement (par voie d’action) ou indirectement (par voie de contrôle hiérarchique sur les autres autorités).

Deux phénomènes vont venir faire évoluer les choses :

  • Un premier phénomène ancien : l’augmentation des missions de l’Etat avec la mise en cause du libéralisme économique à la fin du XIXe siècle, puis la concrétisation de l’Etat providence après la 2nde guerre mondiale ;
  • Un deuxième phénomène plus récent : la décentralisation à partir de 1982, afin de donner une certaine autonomie aux collectivités locales, une autonomie qui sera en outre étendue aux régions qui deviendront des collectivités territoriales à part entière.

La structuration de l’action publique se transforme et se complexifie, remettant parfois en cause certaines hiérarchies (par exemple, avec la décentralisation, le préfet ne peut plus directement revenir sur une décision d’un maire, seulement la déférer au juge administratif (c’est-à-dire saisir le juge d’une requête visant à contester la légalité de ladite décision).

Au sein de cette organisation, il faut distinguer entre les structures (les personnes morales de droit public) et les personnes physiques qui agissent au nom de ces structures (seules ou de manière collective). Pour ces dernières, il faut également distinguer entre les autorités administratives et les agents publics.

Une autorité administrative est une personne physique habilitée à adopter des actes (unilatéraux ou contractuels) au nom de la personne publique qu’elle représente. Par exemple, les préfets et les maires sont des autorités administratives, le premier agissant au nom de l’Etat, le second au nom de la commune (même s’il peut dans certains cas agir également au nom de l’Etat, en tant qu’autorité déconcentrée).

A côté des autorités administratives, on trouve les agents publics – les fonctionnaires s’ils sont statutaires, les agents contractuels dans les autres cas – qui sont les personnes chargées de la mise en œuvre technique des politiques publiques et de l’exécution des actes administratifs.

Les caractéristiques communes aux personnes publiques

Lorsque l’on parle d’une personne publique, c’est par contraction de l’expression « personne morale de droit public ». Toute personne publique est en effet une personne morale, c’est-à-dire une entité abstraite dotée de la personnalité juridique et à ce titre titulaire de droits et d’obligations. Comme pour les personnes morales de droit privé, les personnes publiques disposent d’un exécutif et d’un patrimoine qui leur sont propres. En revanche, elles s’en distinguent sur trois points : leur mission, leurs prérogatives et le droit applicable.

  • Leur mission : la poursuite de l’intérêt général. Tout personne publique doit poursuivre l’intérêt général, en tant qu’il est le but assigné à l’administration et la raison d’être d’un État légitime ;
  • Les prérogatives de puissance publique : toute personne publique détient de plein droit des prérogatives de puissance publique (PPP). Ces prérogatives sont des moyens d’action exorbitants du droit commun, c’est-à-dire des moyens juridiquement reconnus dont ne disposent pas les personnes privées pour mener leurs propres activités. Ces prérogatives sont la mise en application concrète du principe selon lequel l’Etat doit disposer des moyens de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts privés. Elles se manifestent par un droit de commandement que l’on retrouve dans la faculté pour les administrations d’imposer certains droits et obligations aux personnes sous leur juridiction (pensez par exemple à l’obligation de payer des impôts qui s’impose à toute personne résidant sur le territoire français) ;
  • La soumission au droit public : toutes les personnes publiques sont soumises pour leur création et leur fonctionnement aux règles du droit public, notamment au droit administratif. Ces règles visent à prendre en compte la spécificité de la mission (intérêt général) et celle des pouvoirs (PPP) de ces personnes. Toutefois, comme nous le verrons plus tard, certaines de leurs activités relèvent parfois du droit privé.

Les différentes catégories de personnes publiques

Au sein de la catégorie générale de personne publique, il faut distinguer entre trois grandes sous-catégories : l’Etat (a), les collectivités territoriales (b) et les institutions spécialisées (c).

L’Etat

L’Etat constitue à lui seul une catégorie de personne publique. Il est la seule collectivité publique à dimension nationale et non spécialisée – c’est-à-dire qu’il peut normalement intervenir sur tout le territoire et dans tous les domaines (sauf dispositions constitutionnelles contraires). Au sein de l’Etat comme personne morale, on retrouve différentes structures qui ne sont elles-mêmes pas des personnes morales (donc pas des personnes publiques), mais qui sont habilités à agir au nom de l’Etat :

  • Des structures nationales: principalement les ministères et leurs services ;
  • Des structures déconcentrées dans les régions et départements : notamment les préfectures et directions régionales et locales des administrations centrales (ex : les directions régionales des affaires culturelles ou encore les directions départementales de l’équipement).
Les collectivités territoriales

Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public avec une assise territoriale limitée : leurs compétences sont en effet circonscrites au territoire qu’elles représentent. Elles ont également une autonomie normative limitée, prévue par la Constitution, la loi et les règlements.

Selon la Constitution (art. 72, 73 et 74), les collectivités territoriales françaises sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier (Corse, Paris, Lyon, collectivité européenne d’Alsace) et les collectivités d’outre-mer (départements et régions d’outre-mer). A cela, il faut ajouter la Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas régie par le Titre XII de la Constitution sur les collectivités territoriales, mais par un Titre XIII qui lui est explicitement consacré (dans le cadre du processus d’indépendance entamé en 1988).

Les institutions spécialisées

On dénombre quatre grands types d’institutions spécialisées disposant de la personnalité morale : les établissements publics, les groupements d’intérêts publics, les autorités publiques indépendantes et la Banque de France. Cette dernière n’est classable dans aucune autre catégorie, son régime juridique particulier amenant le juge à la qualifier de personne publique sui generis à laquelle certaines règles du droit public ne s’appliquent pas (CE, 2000, Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France).

  • Les Etablissements publics :

Les établissements publics sont des personnes morales de droit public chargées de la gestion spécifique d’une activité publique, normalement d’un service public (on parle alors de décentralisation technique ou fonctionnelle). Les hôpitaux publics, le Louvre, les universités, les établissements scolaires ou encore les offices du tourisme sont ainsi des établissements publics. Limité à la gestion d’une activité publique, leur domaine d’action est plus étroit, plus spécialisé, que celui d’une collectivité territoriale. Ils répondent à l’objectif de gérer certaines activités de manière autonome, en partie détachée du pouvoir hiérarchique de l’Etat ou des collectivités territoriales (nous reviendrons sur les établissements publics au chapitre sur les services publics, dans le cadre de l’étude des modes de gestion des services). Sur ce fondement, les établissements publics sont soumis à deux principes de fonctionnement :

  1. Principe de spécialité : principe selon lequel l’établissement n’a de compétence que dans le domaine pour lequel il a été institué. Ils n’ont aucun pouvoir général et ne peuvent accomplir que les fonctions en lien direct avec leur objet statutaire ;
  2. Principe de rattachement : un EP est créé comme le démembrement d’une collectivité publique (ou de plusieurs en coopération) pour gérer une activité dont elle aurait autrement la charge, tout établissement public est de droit rattaché à cette personne publique qui va pouvoir exercer un certain contrôle. Suivant leur rattachement, ils sont soit nationaux (Etat), soit locaux (collectivités territoriales).
  • Les Groupements d’Intérêt Public :

Comme son nom l’indique, un groupement d’intérêt public (GIP) est une personne morale de droit public regroupant plusieurs personnes morales en vue de l’exercice commun d’une activité d’intérêt public. Les fondateurs du GIP doivent majoritairement être des personnes publiques, mais des personnes privées peuvent aussi être associées à sa création.

Ces GIP ont comme particularité d’être constitués sur la base d’une convention signée entre les participants – sous réserve du respect de certaines clauses obligatoires et avec l’accord final de l’Etat. Les premiers GIP sont apparus avec la loi du 15 juillet 1982, il s’agissait de pouvoir constituer des GIP dans le domaine de la recherche et de l’innovation technologique. L’idée était de permettre la mutualisation des moyens financiers, humains et matériels pour accomplir à plusieurs certaines tâches difficiles à accomplir seul. En matière de recherche il s’agissait de recourir à une association de laboratoires publics et privés. Petit à petit, d’autres lois ont permis la constitution de GIP dans d’autres domaines, puis avec la loi du 17 mai 2011 il existe désormais un statut général des GIP, qui peuvent être créés dans tous les domaines.

Il existe aujourd’hui des milliers de GIP, parmi lesquels on retrouve notamment les Maisons départementales des personnes handicapées (un GIP par département), la Mission de recherche « Droit et Justice », l’Institut National du Cancer ou encore le Samu social de Paris.

  • Les Autorités publiques indépendantes

A partir du milieu des années 1970, la France commence à créer des organismes indépendants qui ressemblent aux Federal Agencies américaines ou aux Quasi Autonomous Non-Governmental Organisations britanniques (Quangos). Ce sont des organismes dépendants de l’Etat, sans personnalité morale distincte mais non soumis au pouvoir hiérarchique.

Créé par une loi de 1973, le médiateur de la République est la première de ces autorités indépendantes. En 1978, la Commission nationale de l’informatique et des liberté (CNIL) est la première qui soit qualifiée d’autorité administrative indépendante (AAI). Ces structures sont des autorités administratives, elles ne disposent donc pas de la personnalité juridique mais ont le pouvoir de prendre des décisions administratives au nom de l’Etat (décisions individuelles, sanctions administratives, voire de véritables règlements). Elles bénéficient également d’un budget et d’une maîtrise plus grande de leur fonctionnement.

L’idée de départ est de mettre certains secteurs de l’activité publique politiquement sensibles à l’abri des pressions politiques partisanes. Ces AAI vont se multiplier dans le contexte de la privatisation des anciens services publics (pour en réguler la mise en concurrence), et certaines vont se voir dotées de la personnalité juridique – le législateur a ainsi créé des personnes juridiques sous le nom d’autorités administratives indépendantes mais qui, contrairement à la notion classique d’autorité administrative, sont dotées d’une personnalité juridique. Il en est ainsi de la Commission de régulation de l’énergie en 2000, de l’Autorité des marchés financiers et de la Commission de contrôle des assurances en 2003 (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en janvier 2010).

Face à cette profusion et à ce manque de cohérence, le législateur intervient à nouveau en 2017 (Loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes ; Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes). Il vient alors distinguer entre les Autorités publiques indépendantes – disposant de la personnalité morale – et les Autorités administratives indépendantes – non juridiquement distinctes de l’Etat.

Il existe aujourd’hui 7 API (dont l’Agence française de lutte contre le dopage et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et 17 AAI (incluant l’Autorité de la concurrence, la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le Défenseur des droits).

Historiquement, un droit administratif perçu comme le droit de l’Administration

Le droit administratif est un droit dérogatoire du droit privé. Il est une branche du droit public qui s’est historiquement développée à travers l’idée que l’Etat, disposant de pouvoirs spéciaux du fait de la souveraineté, ne pouvait être soumis au même droit que n’importe quelle personne privée. Il est ainsi voué, à l’origine, à régir l’Administration ainsi que ses rapports avec les administrés, par l’intermédiaire d’un juge spécifique (1) et d’un droit spécifique (2).

Instituer un juge pour l’Administration

Une courte Histoire du juge administratif

Sous l’Ancien régime, les tribunaux (alors appelés Parlements) avaient tendance à bloquer les décisions royales, empêchant ainsi qu’elles ne s’appliquent. À la Révolution, les révolutionnaires ont voulu éviter que cela ne se reproduise. Ils ont ainsi édicté une loi très importante, la Loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire qui pose le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ainsi, son article 13 indique que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs ». L’objectif est de soustraire l’Etat au pouvoir des juridictions judiciaires.

Cet article est renforcé par le Décret du 16 fructidor An III (2 septembre 1795) selon lequel « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ». Ces textes sont toujours en vigueur et continuent aujourd’hui à être visés par le Tribunal des conflits, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation lorsque sont en jeu des conflits de compétence entre les juridictions administratives (on parle d’ordre administratif) et les juridictions judiciaires (ordre judiciaire).

En 1790, cette interdiction faite aux juges judiciaires de juger l’Administration entraîne une forme d’immunité de celle-ci dès lors qu’aucune autre juridiction spécialisée n’est prévue pour accomplir cette tâche. La loi des 6, 7 et 11 septembre 1790 fait d’ailleurs de l’administration le juge de sa propre action, entraînant un déni de justice pendant de nombreuses années.

A partir de 1799, un pré-embryon de juridiction administrative se met en place avec la création du Conseil d’Etat par la Constitution de l’an VIII. Cette institution n’est alors qu’un organe consultatif auprès du gouvernement, ce dernier statuant sur les litiges impliquant l’Administration : on parle de justice retenue. Toutes les décisions sont rendues au nom du chef de l’Etat qui pouvait les modifier personnellement – n’oublions pas que la Constitution de l’An VIII a été adoptée suite au coup d’Etat du 18 brumaire an VIII et donne le titre de Premier consul à Napoléon Bonaparte.

Il faut attendre la fin du Second Empire et la proclamation de la IIIe République pour voir l’évolution la plus importante. Par la Loi du 24 mai 1872 sur la réorganisation du Conseil d’Etat, le législateur remplace le système de justice retenue par un système de justice déléguée. La justice n’est plus « retenue » entre les mains du chef de l’Etat, mais « déléguée » par le peuple souverain au juge administratif qui juge donc au nom du peuple. Cette loi pose les bases d’une indépendance fonctionnelle du juge administratif, un juge qui se reconnait de lui-même comme le juge de droit commun de tout le contentieux administratif (CE, 1889, Cadot, n° 66145).

L’ordre juridictionnel administratif

Aujourd’hui, l’ordre juridictionnel administratif se compose, pour sa partie générale, du Conseil d’Etat, des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs. A cela, il faut mentionner l’existence de juridictions administratives spécialisées que l’on retrouve principalement dans quatre grands domaines :

  • Le contentieux disciplinaire (Conseil supérieur de la magistrature, juridictions disciplinaires régionales des ordres professionnels…) ;
  • Le contentieux social (tribunaux interrégionaux et Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale…) ;
  • Le contentieux financier (Cour des comptes, chambres régionales des comptes, Cour de discipline budgétaire et financière…) ;
  • Le contentieux des étrangers demandeurs d’asile (Cour nationale du droit d’asile)

Toutes ces juridictions spécialisées sont soumises au contrôle de cassation du Conseil d’Etat.

Les tribunaux administratifs (TA) sont les juges de première instance et de droit commun pour la majorité du contentieux administratif. Actuellement au nombre de 42, ils ont un ressort interdépartemental en métropole et départemental en Outre-mer. Ils sont les successeurs des conseils de Préfecture qu’ils remplacent en 1954. Ils jugent en moyenne 200 000 requêtes par an, ce qui reste assez faible si l’on compare à d’autres pays européens (mais ce chiffre est en constante augmentation depuis quelques années).

Créées par la loi du 31 décembre 1987, les cours administratives d’appel (CAA) sont comme leur nom l’indique les juges d’appel de principe de l’ordre administratif. Depuis 2021, elles sont au nombre de 9 avec l’ajout d’une nouvelle CAA à Toulouse. Moins de 20% des affaires font l’objet d’un appel. Pour certains litiges, visés à l’article R.222-13 du Code de la justice administrative, il n’y a pas d’appel et l’affaire part directement en cassation devant le Conseil d’Etat (ex. : redevance audiovisuelle, permis de conduire ou encore situation individuelle des fonctionnaires…)

Anciennement juge d’appel avant la création des CAA, le Conseil d’État est essentiellement le juge de cassation en matière administrative. Il arrive toutefois qu’il soit encore le juge d’appel pour certains litiges, c’est le cas notamment en matière d’élections municipales et départementales.

Il est également saisi en premier et dernier ressort pour toute une série de recours contre des actes de portée nationale, à savoir pour les requêtes formées contre les décrets, les actes réglementaires des ministres, le contentieux des élections régionales ou européennes ou encore les décisions de certaines AAI à compétence nationale (Liste complète sur le site du Conseil d’Etat).

De manière quelque peu ambivalente, le Conseil d’État n’est pas seulement un juge, il est également conseiller du Gouvernement, ce qui le conduit à produire des études et donner des avis sur des projets de textes. Cette double fonction peut poser problème, ce qui explique que le Conseil soit organisé de manière à séparer par principe les fonctions consultatives et juridictionnelles. Il est ainsi divisé en 7 sections, dont 5 sont consultatives (fonction de conseil de l’administration pour les domaines de l’intérieur, des finances, des travaux publics, du domaine social et de l’administration), une section responsable des travaux et études, et la dernière chargée du contentieux. Cette dernière est organisée en 10 chambres.

Les décisions sont rendues par quatre niveaux de formations de jugement, suivant le niveau de complexité et de difficulté des affaires :

  • En chambre seule : ces formations jugent des affaires ne posant pas de difficultés particulières et, en particulier, rejettent les pourvois en cassation qui ne sont pas admis ;
  • En chambres réunies : c’est la réunion de deux chambres et elles jugent des affaires présentant une difficulté juridique particulière ;
  • En section du contentieux : c’est la première formation solennelle du Conseil d’Etat, où sont jugées les affaires qui présentent une importance remarquable. Elle est composée du président de la section du contentieux, des trois présidents adjoints, des dix présidents de chambre et du rapporteur de l’affaire ;
  • En Assemblée du contentieux : c’est la formation solennelle par excellence du Conseil d’Etat, où sont jugées les affaires qui présentent une importance juridique exceptionnelle. Elle est composée depuis 2008 de 17 membres : le vice-président du CE (le président du CE étant sous la Vème République, le Premier ministre ou le ministre de la Justice. En pratique le CE est dirigé par le vice-président), des 7 présidents de section, des 3 présidents adjoints de la section du contentieux, du président de la chambre initiale de jugement de l’affaire, des quatre présidents de chambres les plus anciens dans leurs fonctions en dehors du précédent et du rapporteur.

Quel droit appliquer à l’Administration ?

Avec la mise en place d’une juridiction administrative pour juger l’Administration se pose la question du droit qui va lui être applicable. Très rapidement, le juge administratif considère que les règles de droit privé ne sont pas adaptées, et que face à la faible étendue des règles spécifiques à l’action administrative, il est nécessaire de développer de nouvelles règles de manière prétorienne, par sa propre jurisprudence.

En 1873 (TC, 1873, Blanco, n° 00012), le Tribunal des conflits confirme cette approche lors d’une affaire mettant en cause la responsabilité de l’Administration. Les ouvriers d’une manufacture étatique des tabacs blessent une petite fille avec un wagonnet et les parents demandent réparation du préjudice causé. Alors que jusque-là la mise en cause de la responsabilité de l’Administration se faisait parfois devant les juridictions civiles, le Tribunal des conflits considère que cette responsabilité « ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil », des principes établis « pour les rapports de particulier à particulier ». Il précise alors que la responsabilité de l’administration « a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». Selon le Tribunal, des règles spéciales sont donc nécessaires car l’Administration n’est pas dans la même situation que de simples particuliers.

Inspiré notamment par le droit public d’Ancien régime et par les constructions doctrinales de l’époque, le droit administratif de la fin du XIXe siècle est donc un droit principalement jurisprudentiel, dans une approche qui ressemble beaucoup à celle des juges de Common Law. Il se construit ainsi de manière prétorienne (par le juge), à travers un prisme contentieux, les litiges faisant émerger les règles chargées de gouverner les situations qui ont mené aux dits litiges.

Au-delà de cette approche organique de l’Administration et de « son » droit, l’intervention de personnes privées dans la gestion de services publics va amener à repenser en profondeur le champ d’intervention du droit administratif autour d’une approche matérielle des activités administratives, autour de la fonction accomplie plutôt que de la personne qui agit.

Du droit de l’Administration au droit des activités administratives

La décision Blanco de 1873 entérine l’existence d’un corpus de règles autonomes applicables aux activités de l’Administration, sous le regard d’un juge spécifique. Toutefois, le droit administratif n’a jamais été considéré comme le droit de toutes les activités de l’Administration. Des questions se posent déjà sur le périmètre des activités administratives, et donc sur le champ d’application du droit administratif et le champ de compétence du juge du même nom. En 1938, ces questions prennent un nouveau tournant lorsque le Conseil d’Etat affirme qu’une personne privée peut se voir investie de la gestion d’un service public en dehors de toute relation contractuelle avec une personne publique (CE, Ass., 1938, Caisse primaire Aide et Protection, n° 57302). Le juge déchire alors le voile organique de l’Administration pour revenir au fondement même de l’existence d’un droit autonome, à savoir la particularité des activités administratives (A). Ce droit évolue d’ailleurs en même temps qu’évolue le champ de ces activités (B) ou que se posent de nouvelles questions (C).

Le critère des activités administratives : les fins ou les moyens ?

Du milieu du XIXe siècle jusqu’aux années 1930, deux écoles de pensée s’affrontent autour de la définition « du » critère de l’activité administrative et donc aussi de l’application du droit administratif à cette activité. Pour les uns, une telle activité se reconnaît à ses fins – la gestion d’un service public (2) –, pour les autres, elle ne doit cette qualité qu’aux moyens mis en œuvre – les prérogatives de puissance publique (1). Aujourd’hui, on pense toutefois ces deux critères de manière concomitante (3), en n’oubliant pas de distinguer l’activité administrative des autres activités de l’Etat (4).

De Laferrière à Hauriou : le critère de la puissance publique

Au XIXe siècle, Edouard Laferrière – Conseiller d’Etat et professeurs de droit – présente la distinction entre ce qu’il nomme les actes d’autorité et les actes de gestion de l’Etat. Ainsi, lorsque l’administration commande, lorsqu’elle fait un acte d’autorité, elle se comporte comme puissance publique et le droit administratif doit s’appliquer. Au contraire, lorsque l’administration n’utilise point un tel pouvoir, lorsqu’elle fait un acte de gestion (ex : louer un local dans ses bâtiments), elle se comporte comme une personne privée et doit être soumise au droit privé.

Cette approche va évoluer au XXe siècle pour parler non plus d’actes d’autorité, mais d’actes de puissance publique. Ce sera d’ailleurs le nom donné à l’école de pensée animée par Maurice Hauriou (1856-1929), alors professeur à l’université de Toulouse. Pour cette école de la puissance publique, le critère de l’administration est la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, c’est la possibilité d’imposer à une personne un droit ou une obligation sans son consentement.

L’accent est ici mis sur les moyens dont dispose l’administration pour agir, et sur l’aspect inégalitaire de la relation administration/administré.

Si, au départ, cette approche n’est pas celle suivie par la jurisprudence – notamment dans l’arrêt Blanco – elle reviendra plus tard sur le devant de la scène, notamment avec l’arrivée des personnes privées comme gestionnaires de services publics.

De David à Duguit : le critère du service public

En 1873 (TC, 1873, Blanco, n° 00012), le Tribunal des conflits fait le lien entre activité de service public et application d’un droit spécial, le droit administratif. Dans ses conclusions, le Commissaire du gouvernement David explique que dès lors que l’administration agit dans le cadre d’un service public, alors compris comme une activité d’intérêt général, elle n’est pas dans la même situation qu’un particulier car elle doit poursuivre cet intérêt général. Conditionnant son action, la poursuite de l’intérêt général implique un droit spécifique pour en prendre en compte les contraintes.

Cette approche va être systématisée par l’Ecole dite du service public menée par Léon Duguit (1859-1928), professeur à l’Université de Bordeaux. Selon cette école de pensée, l’idée de service public désigne l’ensemble des activités qui doivent être réglées et assurées par les gouvernants en raison de leur importance sociétale. Duguit définit d’ailleurs l’Etat comme « une coopération de services publics organisés et contrôlés par des gouvernants » (Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, Boccard, 1923). Par la prise en compte du service public comme critère du droit administratif, cette approche met l’accent sur les fins de l’administration.

Tandis que le début du XXe semble donner raison à l’approche de l’Ecole du service public, la question évolue assez rapidement, vers la prise en compte supplémentaire des moyens mis en œuvre par l’administration.

Vers un double critère de l’activité administrative

En 1903 (CE, 1903, Terrier), le Conseil d’Etat doit déterminer si le juge administratif est compétent dans une affaire qui oppose le département de Saône-et-Loire à M. Terrier. Ce dernier reproche aux instances locales de ne pas lui avoir versé les primes qu’elles ont promises à tout chasseur de vipères, cet animal étant alors considéré comme nuisible dans le département. Pour le juge, le litige concerne la destruction d’animaux nuisibles, qui est un service public, et relève donc du droit administratif et de la compétence du juge administratif. Dans ses conclusions, le Commissaire du gouvernement Romieu affirme en ce sens que « tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services publics constitue une opération administrative, qui est, par sa nature, du domaine de la juridiction administrative ». Dans ces premiers temps du droit administratif moderne, il existe une complète identité entre personne publique, service public et droit public.

Un raisonnement similaire est adopté par le Tribunal des conflits en 1908 (TC, 1908, Feutry, n° 00624 : à propos du dommage causé par un malade mental qui s’est enfui d’un hôpital psychiatrique géré par le département) ou par le Conseil d’Etat en 1910 (CE, 1910, Thérond, n°29373 : à propos du contrat passé entre la ville de Montpellier et M. Thérond pour la capture de chiens errants).

Mais les plâtres ne sont pas encore secs que l’édifice jurisprudentiel se fendille déjà lorsqu’en 1912, le Conseil d’Etat énonce qu’un contrat passé par la ville de Lille pour le pavement de ses rues échappe à la compétence de la juridiction administrative (CE, 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, n° 30701). Passé « selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers », ce contrat qui s’inscrit pourtant dans la gestion d’un service public – à savoir l’entretien des routes – relève pourtant selon le juge du droit privé. À lui seul, le lien avec un service public ne semble plus pouvoir servir de critère unique pour la mise en œuvre du droit administratif.

Le clou est définitivement enfoncé par le Tribunal des conflits en 1921 lorsqu’il considère qu’un service public, géré par une personne publique « dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire », relève du droit privé et de la compétence du juge judiciaire pour les conséquences dommageables de son exploitation (TC, 1921, Société commerciale de l’Ouest africain, n° 00706 – décision dite « bac d’Eloka »). L’identité entre service public et droit administratif est désormais rompue, le critère supplémentaire des moyens de l’activité venant compléter celui du service public pour l’identification du droit applicable.

Enfin, et au-delà de ces critères, il faut également faire la différence entre les activités administratives et celles relevant des fonctions législatives, juridictionnelles et gouvernementales.

Distinction des activités législatives, juridictionnelles et gouvernementales

En matière de séparation des pouvoirs au sein de l’Etat, l’activité administrative se distingue des activités des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi, au sein du pouvoir exécutif, de la fonction gouvernementale :

  • La fonction législative concerne tout ce qui relève de la fonction de création de la loi. Ce n’est donc pas une activité administrative.
  • La fonction juridictionnelle concerne toute activité consistant à trancher un litige, une activité qui relève normalement des cours et tribunaux. Cependant, la distinction n’est pas toujours très claire, notamment sur la question des sanctions, dès lors que l’administration est de plus en plus amenée à prendre des sanctions qui visent à réprimer un comportement (ces sanctions sont dites administratives et relèvent de l’activité administrative).
  • La fonction gouvernementale : au sein du pouvoir exécutif national, il faut distinguer entre deux fonctions, la fonction administrative et la fonction gouvernementale, entre l’administration et la politique. La distinction entre les deux n’est pas toujours évidente dès lors que le président de la République ou le Premier ministre sont aussi bien des autorités gouvernementales que des autorités administratives. Ils vont adopter tant des actes dit de gouvernement que des actes administratifs. On verra qu’il est important de faire la distinction car si d’un côté on peut attaquer un acte administratif devant le juge administratif, de l’autre un acte de gouvernement, qui est un acte purement politique, ne relève d’aucun juge (un magistrat ne peut juger de la seule opportunité politique d’une décision). Par exemple, lorsque le Président décide de dissoudre l’Assemblée nationale, c’est un acte de gouvernement qui n’est pas susceptible de recours (CE, 1989, Allain, n° 98538).

Un droit administratif qui évolue avec les activités administratives

Comme toute branche du droit, le droit administratif évolue en même temps que se modifient les activités qu’il organise, que ce soit en fonction de leurs fins – l’intérêt général (1) – ou en fonction des acteurs qui les exercent – dont la participation de personnes privées (2).

Les contours mouvants de l’intérêt général

L’intérêt général n’a pas de définition fixe, ce n’est pas une notion gravée dans le marbre. C’est en effet une notion floue, aux contours mouvants car soumise à ce que le pouvoir politique considère comme étant d’intérêt général à un moment donné. Il ne faut en effet jamais oublier que le droit est avant tout un outil au service d’une politique. Dans tout Etat, la définition de l’intérêt général est donc un acte de souveraineté et relève ainsi de de ceux habilités à s’exprimer au nom du souverain. L’article 3 de la Constitution de 1958 nous indique en ce sens que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». En France, est donc d’intérêt général ce que le peuple considère comme tel, qu’il le fasse directement ou par l’intermédiaire de ses représentants (a). Toutefois, il ne faut pas oublier que, lors d’instances juridictionnelles, c’est le plus souvent au juge que revient le soin de découvrir ce que le peuple « aurait souhaité » considérer comme d’intérêt général (b).

L’évolution de l’intérêt général dans la pensée politique

Le périmètre des activités publiques évolue donc suivant la conception philosophique et politique que l’on se fait de l’intérêt général – et donc de l’Etat en ce qu’il est chargé de le faire prévaloir sur les intérêts privés. Si l’on schématise cette question depuis la Révolution de 1789, il est possible de distinguer trois moments :

  1. Premier moment : Aux XVIIIe et XIXe siècles, sous l’influence du libéralisme classique porté par des auteurs tels John Locke, Benjamin Constant ou Adam Smith, l’Etat est pensé dans une fonction limitée au maintien de l’ordre, à l’exercice des missions régaliennes : armée, justice, sécurité, politique étrangère, fiscalité… Il est alors qualifié d’Etat gendarme. Toutefois, la crise économique mondiale qui sévit à partir de 1873 et l’industrialisation amènent l’Etat français à intervenir de plus en plus dans le domaine économique, notamment par une politique d’équipement et de crédit, le rétablissement du protectionnisme, mais aussi par la prise en charge de la santé et de l’aide sociale et un soutien à la culture. L’Etat agit alors comme un acteur économique pour remédier aux abus du libéralisme économique. Ce mouvement se renforce avec la fin de la Première Guerre mondiale et la crise des années 1930.
  2. Deuxième moment : C’est avec la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’on voit réellement apparaître un nouveau paradigme, celui dit de l’Etat providence. En France, dans son programme adopté le 15 mars 1944, le Conseil National de la Résistance prévoit des mesures économiques et sociales fortes pour reconstruire l’Etat. Sont notamment mentionnés la création d’un système de sécurité sociale et un plan de nationalisation de l’industrie, par « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ». Inspiré par les doctrines socialistes, mais aussi par la pensée de l’économiste anglais John Maynard Keynes, ce mouvement voit l’intervention publique comme un facteur de correction des inégalités sociales. L’idée d’intérêt général est alors nettement plus étendue que dans une approche de l’Etat limitée aux seules fonctions régaliennes.
    Mais depuis la fin des années 1970, on parle d’une « crise de l’Etat providence ». Le ralentissement de la croissance, la montée du chômage et les difficultés de financement de la protection sociale nourrissent en effet sa remise en cause par les courants néo-libéraux.
  1. Troisième moment : A partir du début des années 1980, soutenu par les gouvernements Reagan aux Etats-Unis et Thatcher au Royaume-Uni mais aussi par des institutions internationales telles le Fonds Monétaire International et l’Organisation Mondiale du Commerce, le mouvement néo-libéral remet au goût du jour l’idée qu’il faut laisser faire le marché en limitant au maximum les interventions de la puissance publique. Après l’Etat gendarme du XIXe siècle et l’Etat providence de l’après-guerre, apparaît ainsi l’Etat régulateur (en ce sens qu’il n’est là que pour organiser une compétition libre entre les acteurs économiques). En Europe, la politique économique de l’Union européenne s’inscrit également dans cette approche, reposant sur le principe de libre concurrence où les personnes publiques ne doivent pas concurrencer les personnes privées en usant de moyens dont ne disposent pas ces dernières. Derrière cette politique se trouve l’idée que toute activité économique ne relève en principe pas de l’intérêt général et donc pas de l’Etat mais des acteurs privés (nous reviendrons sur ce point au chapitre sur les Services publics).

Si l’intérêt général est bien la pierre angulaire du droit administratif, c’est une pierre assez malléable dont la forme semble varier au gré des alternances politiques. Certains courants politiques – notamment libertaires et marxistes – y voient même une notion qui aurait seulement pour but de dissimuler la prédominance de certains intérêts privés sur d’autres, pour justifier un rapport de domination. Alors que l’idée de l’existence d’un intérêt commun aux personnes vivant sur un même territoire ne semble pas complètement hors de propos, il est vrai qu’en pratique des difficultés émergent dès lors que l’on s’intéresse à telle ou telle situation.

Les fluctuations de l’intérêt général dans la jurisprudence

Les conceptions politiques de l’intérêt général évoluant, l’interprétation par les juges de cette notion évolue dans le même temps pour refléter la pensée dominante de l’époque. Lorsqu’en 1916 (CE, 1916, Astruc, n° 59323), le Conseil d’État refuse de qualifier l’activité théâtrale comme un « objet d’utilité publique », Maurice Hauriou se félicite qu’ainsi il « condamne la conception qui consisterait à ériger en service public, comme à l’époque de la décadence romaine, les jeux du cirque ». Pourtant, moins de 10 ans plus tard, le juge revient sur cette approche et qualifie le contrat d’exploitation d’un théâtre comme un contrat de concession de service public, reconnaissant par là-même un intérêt général à cette activité culturelle appréhendée ici comme un service public (CE, 1923, Gheusi). Cet intérêt général culturel est aujourd’hui largement reconnu par la jurisprudence, comme en témoigne notamment un arrêt de 1988 selon lequel l’organisation d’un festival de bandes dessinées présente un intérêt général culturel et touristique (CE, 1988, commune de Hyères, n° 61257).

Dans un autre domaine, en 1948, le juge administratif estime que la loterie nationale directement gérée par l’Etat est une activité de service public, sans pour autant expliquer en quoi elle relève de l’intérêt général (CE, 1948, Angrand). En revanche, il refuse de voir une activité d’intérêt général dans l’organisation de courses de chevaux par une commune (CE, 1953, Bossuyt). Si les courses équines ne sont pas d’intérêt général, les courses taurines du sud de la France – sous la forme de lâchés de taureau – méritent selon le juge cette qualification dès lors qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une fête traditionnelle (TC, 1985, Laurent, n° 02368).

Alors que le Conseil d’Etat revient en 1999 sur la qualité d’intérêt général de la loterie nationale (CE, 1999, Rolin, n° 171169 et al.), il considère quelques années plus tard que le contrat d’exploitation d’un casino consiste en une délégation de service public car celui-ci contribue au développement économique et touristique de la commune (CE, 2006, commune d’Houlgate, n° 264098). L’activité des jeux d’argent n’est en ce sens pas d’intérêt général sauf lorsqu’elle est l’accessoire d’un intérêt économique et touristique local.

Dans le domaine économique, les choses ont d’ailleurs beaucoup évolué entre la période post-Seconde Guerre mondiale et le contexte actuel. Alors qu’en 1951, le Conseil d’Etat considère qu’il y a un « intérêt général de l’économie nationale à favoriser l’expansion d’une entreprise déterminée » (CE, 1951, Syndicat de la raffinerie du souffre française), c’est aujourd’hui la préservation d’un marché concurrentiel libre et non faussé qui fonde l’interprétation de l’intérêt général en la matière (CE, 2009, Société Bouygues Télécom, n° 312741).

Avec l’évolution de ce que la communauté politique considère comme d’intérêt général évoluent nécessairement les missions de l’Etat, et incidemment le champ d’application du droit administratif et la compétence des juridictions du même nom. À cette évolution du champ matériel du droit administratif, il faut ajouter une évolution des acteurs, dès lors que de plus en plus de personnes privées vont être investies de missions de service public.

La participation toujours plus importante de personnes privées

Alors que les activités administratives sont historiquement celles entreprises par les personnes publiques, des personnes privées participent à leur exécution depuis longtemps, notamment par la voie d’une relation contractuelle. Toutefois, à la veille de la Seconde guerre mondiale, le juge administratif reconnait qu’une telle participation peut exister en dehors de toute relation contractuelle (a). Il faut alors envisager les différents statuts sous lesquels interviennent les personnes privées dans l’exécution d’une activité administrative (b).

Une implication possible en dehors de tout contrat

Avant 1938, des personnes privées participent déjà ponctuellement à l’exécution de missions de services publics – sans être des agents administratifs statutaires – ou sont investies de telles missions par la voie contractuelle (via les anciennes concessions de service public, voir par exemple CE, 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen, n° 94964). Toutefois, cette question de la participation de personnes privées aux activités administratives prend un nouveau tournant avec l’affaire Caisse primaire Aide et Protection jugée par le Conseil d’Etat en 1938 (CE, Ass., 1938, Caisse primaire Aide et Protection, n° 57302). Même si elles ont été créées par l’Etat, les caisses primaires d’assurances sociales ont un statut de droit privé. Dans cette affaire, le président et un employé de la Caisse primaire Aide et Protection contestent l’application d’une loi sur le cumul des retraites aux employés, celle-ci ne s’appliquant qu’aux gestionnaires de services publics et donc, selon eux, pas à la Caisse qui n’est pas en relation contractuelle avec l’administration. Or le Conseil d’Etat juge ici qu’une personne privée peut se voir investie de la gestion d’un service public en dehors de toute relation contractuelle avec une personne publique.

Cet arrêt coïncide dans le temps avec la mise en place en France d’un Etat Providence prenant en charge de plus en plus d’activités économiques et sociales. Cet accroissement des fonctions de l’Etat va alors entraîner, d’un côté l’augmentation des activités directement accomplies par celui-ci et par les collectivités locales, et de l’autre, un recours toujours plus important à des personnes privées pour l’exécution de services publics, par voie contractuelle ou en dehors de toute délégation explicite.

Des statuts divers

Dès lors que leur gestion est nécessairement désintéressée, les associations crées sur le fondement de la loi de 1901 semblent être les candidates idéales à une gestion « privée » de certains services publics. Nombreuses sont d’ailleurs celles qui interviennent dans le domaine culturel et social (même si toute association intervenant dans ces thématiques ne gère pas forcément un service public). Dans plusieurs domaines, des associations sont même habilitées par l’Etat comme les instances uniques d’organisation de l’activité en question sur le territoire, l’on pense ici notamment aux fédérations sportives ou de chasseurs. Ce mode de gestion des services publics a parfois été détourné par des personnes publiques afin de contourner certaines des contraintes du droit public (les personnes privées restant soumises au droit privé pour leur fonctionnement interne). Des collectivités ont ainsi profité de cette possibilité pour créer de « fausses » associations, juridiquement légales mais en réalité totalement contrôlées par elles. On parle alors d’associations dites transparentes (nous reviendrons plus tard sur cette question).

Au-delà des associations, et malgré un fonctionnement à but lucratif – et donc un possible conflit entre intérêt privé de l’entreprise et intérêt général – de nombreuses sociétés sont aujourd’hui en charge d’une activité administrative. Leurs statuts sont également divers, allant de la société privée à fonds entièrement publics à celles à fonds entièrement privés :

  • Les entreprises publiques : ce sont des sociétés privées – sous forme de société anonyme – dont le capital est entièrement détenu par une ou plusieurs personnes publiques. On parlera de sociétés publiques nationales pour celle dont le capital est uniquement détenu par l’Etat (France télévision ou encore la SNCF depuis le 1er janvier 2020) et de sociétés publiques locales (CGCT, art. L. 1531-1) pour celles dont le capital est entièrement détenu par des collectivités locales ou des groupements d’intérêt public.
  • Les sociétés d’économie mixtes locales (CGCT, art. L. 1521-1 et s.) : ce sont des sociétés privées – sous forme de société anonyme – dont 50% à 85 % des capitaux doivent être détenus par des collectivités territoriales ou leurs groupements. Au moins une personne privée doit également participer au capital.
  • Les sociétés aux capitaux majoritairement privés : ce sont souvent d’anciens établissements publics transformés en sociétés privées mais pour lesquels l’Etat souhaite conserver une participation, notamment pour peser dans le Conseil d’administration. C’est le cas de Gaz de France (devenu une société anonyme en 2004, aujourd’hui ENGIE) ou encore de France télécom (devenu la société anonyme Orange en 2013).
  • Les sociétés aux capitaux entièrement privés : quelle que soit sa raison sociale (SA, SARL, SAS…), une société à capitaux privés peut se voir confier une mission de service public (nous reviendrons plus loin sur cette question). On peut ainsi avoir des sociétés au capital entièrement privé (sociétés de distribution d’eau ou de ramassage des déchets) qui gèrent des services publics au niveau local.

Nous verrons dans le chapitre services publics que ces questions ont encore évolué depuis la fin du XXème siècle du fait de la réduction du champ des services publics dont les activités sont désormais souvent éparpillées entre acteurs différents auxquels ne sont imposées que quelques obligations de service public, ce qui tend à réduire d’autant le champ d’application du droit administratif.

Le droit administratif est donc aujourd’hui compris comme le droit des activités administratives, et son champ d’application continue d’évoluer en même temps qu’évolue la conception de l’Etat et de ses missions.

Nouvelles perspectives pour le droit administratif

Comme nous le comprenons à la lecture de cette introduction, le droit administratif est un droit qui évolue en fonction de l’idée que l’on se fait de l’Etat et de ses attributions à un moment donné. Comme toute autre branche du droit, le droit administratif reste avant tout un outil au service d’une politique, au sens d’organisation de la vie de la cité, s’inscrivant ainsi dans un ensemble de valeurs mais aussi de relations de pouvoirs. De la même manière que le reste de l’ordre juridique français, ce droit évolue donc au gré des circonstances sociales et politiques, s’adaptant aux changements de la société.

Depuis maintenant de nombreuses années, trois grands facteurs de transformation en la matière ont tout d’abord été la construction européenne, l’influence du courant néo-libéral et, depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’impact de circonstances exceptionnelles telles le terrorisme international ou plus récemment la pandémie COVID-19.

Depuis leur fondation, respectivement par le Traité de Londres en mai 1949 et le Traité de Rome en mars 1957, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (anciennement Communauté économique européenne) sont des moteurs puissants d’évolution des droits des Etats membres, et notamment du droit administratif français (1). Mais au-delà de ces facteurs institutionnels de changement, un autre élément fondamental de transformation des systèmes juridiques refait son apparition depuis quelques années : les crises. Qu’elles soient actuelles (terrorisme, pandémie) ou futures (changements climatiques), ces crises participent d’une modification des équilibres, notamment entre les droits des personnes et les pouvoirs de l’Etat, sous le regard du juge administratif (2).

L’influence du droit européen

En matière administrative, comme dans de nombreux autres domaines du droit, les institutions européennes ont une importance toujours plus grande. Lorsque l’on parle ici de droit européen, c’est par une contraction abusive entre deux systèmes juridiques différents : celui qui découle des travaux du Conseil de l’Europe, et principalement de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950, et celui issu des normes de l’Union européenne (on parlera ici spécialement de droit de l’Union européenne, anciennement de droit communautaire lorsqu’existaient encore les Communautés européennes). Cette influence se fait sentir à de nombreux niveaux, et les auteurs qui analysent ces évolutions parlent souvent d’européanisation du droit administratif ou de sa communautarisation pour l’influence spécifique de l’Union (au sens de l’ancien nom des communautés européennes). Nous reviendrons au chapitre suivant sur ces sources européennes et leur place dans l’ordre juridique français, mais il est intéressant de voir ici l’influence que ces normes supranationales ont pu avoir, notamment dans trois domaines : l’accès à l’emploi public (a), les contrats publics (b) et le contentieux administratif (c). S’il faut bien sûr ajouter à cette liste la notion de service public, profondément impactée par la politique économique libérale de l’Union européenne, nous y reviendrons beaucoup plus en détail au chapitre qui lui sera consacré.

En matière d’accès à l’emploi public

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit à son article 45 un principe de libre circulation des travailleurs, tout en acceptant à son paragraphe 4 la possibilité d’exception pour les emplois de l’administration publique. Or l’interprétation européenne de cette expression est nettement plus restrictive que les interprétations nationales. La Cour de justice de l’Union européenne (appelée alors Cour de justice des Communautés européennes) a ainsi jugé en 1980 que ne pouvaient être considérés comme des emplois de l’administration publique que ceux qui comportent une « participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions ayant pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques » (CJCE, 1980, Commission c. Belgique, n° C-149/79). Comme déjà souligné plus haut, l’idée politique et économique fondatrice de cette approche européenne est celle de la libre concurrence pour tout ce qui est considéré comme une activité économique, au sens large du terme. Toute activité économique ne relèverait ainsi pas de l’intérêt général – et donc pas de l’Etat – mais des acteurs privés. En la matière, l’Etat n’aurait donc qu’un rôle de régulateur et de protecteur de l’ordre public.

Cette vision libérale de l’Etat implique que l’accès aux emplois publics ne peut être limité aux seuls nationaux que pour les emplois se rattachant aux missions régaliennes. En 1988, la Commission européenne dresse ainsi dans une communication interprétative une liste des emplois pouvant bénéficier de l’exception : militaire, policier, diplomate ou fonctionnaire ministériel, mais pas infirmier, enseignant ou employé de chemin de fer.

En matière de contrats administratifs

Le droit de l’Union européenne a suscité des évolutions importantes dans le droit des contrats administratifs, que ce soit en raison de l’imposition large d’une mise en concurrence pour leur conclusion, ou de l’évolution des règles de mise en œuvre et de financement. La dernière grande évolution date ainsi de février 2014 et l’adoption par le Parlement européen et le Conseil de deux normes importantes, les directives 2014/24/UE et 2014/25/UE sur la passation des marchés publics, spécialement, pour la deuxième, dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Ces textes vont amener l’Etat français à profondément remanier son droit des contrats publics, en lien avec deux impératifs : la libre et égale concurrence, et l’amélioration de l’efficacité de l’action publique dans un contexte de réduction des ressources financières.

En matière de contentieux

Le droit européen a également trouvé un terrain propice à son influence dans le domaine du contentieux administratif. L’application des textes de l’Union européenne sur les contrats publics a conduit à développer les procédures d’urgence en leur ajoutant un mécanisme inédit de référé précontractuel (art. L. 551-1 du Code de justice administrative).

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en matière d’impartialité des juges a de son côté conduit la juridiction administrative à modifier certains de ses mécanismes, et en particulier à transformer l’institution traditionnelle du commissaire du gouvernement, aujourd’hui devenu rapporteur public. En 2001, la Cour juge en effet que le rôle du commissaire du Gouvernement est contraire au droit à un procès équitable et donc constitue une violation de l’article 6-1 de la CEDH (CrEDH, 2001, Kress c. France, n° 39594/98).

Mais il faut attendre deux nouveaux arrêts de la Cour pour que des réformes soient entreprises par la France sur la question de sa participation à la procédure de décision (CrEDH, 2005, Loyen c. France, n° 55929/00 et CrEDH, GC, 2006, Martinie c. France, n° 58675/00). Alors que jusque-là le commissaire du gouvernement prenait part au délibéré des décisions des juridictions administratives, c’en est terminé à partir de décembre 2005. Quelques mois plus tard, à partir du 1e septembre 2006, il n’y assiste plus du tout (au niveau du Conseil d’Etat, seulement si les parties le demandent). Enfin, en 2009, son nom est modifié en « rapporteur public » (décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions), même si cette modification ne sera effective au Tribunal des conflits qu’en 2015.

Le renouveau des circonstances exceptionnelles

En France, depuis les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, mais aussi avec la crise sanitaire liée au COVID-19, les concepts juridiques d’état d’urgence et de circonstances exceptionnelles font leur retour sur le devant de la scène. Ces deux concepts amènent à justifier certains pouvoirs de l’administration qui, en période normale, ne seraient autrement pas autorisés – ou nettement plus limités. Leur impact se fait principalement ressentir sur l’étendue des pouvoirs de « police administrative », c’est-à-dire, schématiquement, sur les pouvoirs des autorités publiques en matière de prévention des infractions à l’ordre public (nous reviendrons plus en détails sur ces questions dans le chapitre consacré à la police administrative).

Lorsqu’un maire ou un préfet interdit la circulation dans une rue, le stationnement devant un lieu de culte ou une école, ou encore impose le port du masque dans certains quartiers d’une ville, il utilise un pouvoir de police administrative au nom de l’ordre public (ici de protection de la sécurité des biens et des personnes, là de prévention sanitaire au titre de la « salubrité publique »). Utilisable en temps normal, ce pouvoir de police voit son champ d’action étendu lors des temps exceptionnels. Dans le cadre de l’état d’urgence ou de circonstances exceptionnelles, des mesures spécifiques vont pouvoir limiter les libertés individuelles au-delà de ce qui serait normalement légal.

Là où, en temps normal, la liberté est la règle et l’interdiction l’exception, ces circonstances peuvent conduire à temporairement renverser l’équation, l’interdiction – par exemple de sortir sans masque dans la rue – devenant la règle.

Si les juridictions administratives veillent au maintien d’un certain équilibre, et à l’illégalité des interdictions générales et absolues, on se rend compte que toute ceci varie au gré des risques, réels ou perçus. De plus, le caractère temporaire des mesures dépend également du caractère normalement temporaire de la menace. En ce sens, face à des menaces diffuses, de plus ou moins longue durée (terrorisme, COVID…), la situation exceptionnelle tend à devenir la nouvelle norme, avec son lot d’extensions des pouvoirs de police.

Comme le soulignaient récemment certains auteurs, après l’urgence terroriste ou l’urgence sanitaire, quelles seront les restrictions mises en place lorsque nous comprendrons qu’il y a urgence climatique ? Lorsqu’il sera apparu nécessaire à la majorité de la population et aux pouvoirs politiques de lutter de manière efficace contre le réchauffement de la planète. C’est une réflexion qu’il sera urgent de mener.

Pour citer cette page : Marie-Joëlle Redor-Fichot et Xavier Aurey, « Introduction – Le droit administratif : un droit des activités administratives », Introduction au droit administratif, Fondamentaux, 2024 [https://fondamentaux.org/?p=1192]

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