Titre 2 – Les moyens de l’action administrative

Pour mener à bien ses missions de service public, l’administration dispose de moyens de droit sous la forme d’actes juridiques : les actes administratifs.

Mais :

  • Tous les actes de l’administration ne sont pas des actes administratifs : l’administration ne passe pas que des actes administratifs, c’est-à-dire obéissant aux règles du droit administratif, il lui arrive aussi de passer des actes de droit privé, il peut s’agir de contrats de droit privé et plus rarement d’actes unilatéraux de droit privé.
  • Tous les actes administratifs ne sont pas des actes de l’Administration (au sens organique). Les personnes privées chargées d’un service public peuvent elles-aussi adopter, sous certaines conditions, des actes administratifs.

Tout acte administratif est soumis au droit administratif, permettant dès lors au gestionnaire du service public d’utiliser si nécessaire des moyens exorbitants du droit commun (les prérogatives de puissance publique ou encore les clauses exorbitantes du droit commun) dans le but de poursuivre efficacement l’intérêt général, obligation qui s’impose à l’administration. Ces actes administratifs sont multiples et variés, allant du plus modeste au plus important, du règlement intérieur d’un office du tourisme au décret du Premier ministre ou du Président, en passant par le contrat déléguant la gestion d’une autoroute à une société privée. Ils prennent des noms eux-mêmes multiples et variés : arrêté, ordonnance, décret, délibération, convention, concession, délégation, marché, permis, licence, circulaire, charte, agrément, contrat, procès-verbal…

Ces actes administratifs, contrairement aux actes matériels, sont des actes juridiques, que l’on considère en droit administratif comme en droit civil comme « des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit » (art. 1100-1 du Code civil). Cet article précise d’ailleurs qu’ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.

Manifestation de volonté

La reconnaissance d’une manifestation de volonté de l’administration passe par l’observation de ses formes d’expression, le plus souvent formalisées, parfois non. Dans la grande majorité des cas, cette manifestation de volonté est formalisée : c’est-à-dire qu’elle est présentée comme telle par l’autorité administrative, généralement sous forme écrite. La signature de l’autorité administrative sur l’acte en question manifeste d’ailleurs l’expression de cette volonté.

Mais ce formalisme habituel n’empêche pas le juge de trouver une manifestation de volonté là où l’administration n’avait pas cherché à extérioriser son intention. Afin d’éviter toute tentative d’écarter un contrôle du juge par une action « clandestine », celui-ci n’hésitera pas à qualifier d’acte administratif une lettre (CE, 1965, Compagnie marchande de Tunisie), un communiqué de presse (CE, 1993, Comité central d’entreprise de la SEITA), un courrier électronique (CE, 2005, Société Endymis) ou encore une déclaration publique (CE, 2017, Association « Bail à part, tremplin pour le logement »).

De manière encore plus originale, mais rare, le juge pourra identifier une décision tacite dans le comportement ultérieur de l’administration, qui révèlerait l’existence d’une décision a priori. Il en a été ainsi pour la réalisation des colonnes de Buren dans la cour du Palais-royal, où la seule réalisation des travaux a manifesté l’existence tacite d’un acte préalable autorisant leur construction, un acte pourtant matériellement introuvable (CE, 1986, ministre de la Culture c. Cusenier).

Unilatéral ou contractuel

L’acte unilatéral correspond à une manifestation unilatérale de volonté. En matière administrative, l’acte en question va le plus souvent émaner de la volonté d’une seule personne, par exemple un arrêté préfectoral ou un décret du Premier ministre. Il peut également arriver qu’un acte unilatéral émane de plusieurs volontés conjointes, comme c’est le cas pour l’arrêté interministériel, co-signé par plusieurs ministres. Même conjoint, l’acte est unilatéral en ce sens qu’il a vocation à régir des tiers qui n’ont pas participé à son édiction, et non pas les relations entre les autorités qui ont participé à son édiction. Dès lors qu’il est qualifié d’administratif (chapitre 1er), cela manifeste la spécificité de l’activité administrative qu’il vise à mettre en œuvre, notamment l’obligation de poursuivre l’intérêt général et la possibilité d’utiliser des pouvoirs exorbitants du droit commun pour ce faire.

Le contrat est un acte qui émane de la volonté de plusieurs personnes et qui est destiné à régir leurs relations réciproques. Il est un mode de relation typiquement privatiste, celui de l’accord de volontés en principe égales. Le contrat administratif (chapitre 2) est alors en quelque sorte une exception à cette règle dès lors qu’il organise le déséquilibre des volontés au profit de l’administration, de façon à lui donner les moyens de préserver l’intérêt général face aux intérêts privés du cocontractant.

Enfin, si la distinction unilatéral / contractuel est a priori claire, certains actes peuvent toutefois poser question :

  • Les contrats-types (AAU) : ce sont des documents qui vont énoncer des dispositions que certains contrats doivent respecter. Ces « contrats-types » ne sont pas des contrats, mais simplement des énonciations unilatérales s’imposant aux futurs contractants dans certains domaines.
  • Les actes unilatéraux négociés (AAU) : ce sont des actes à la préparation desquels les destinataires ont participé. C’est le cas par exemple pour les statuts de la fonction publique, les représentants syndicaux des fonctionnaires participant ainsi à l’élaboration des statuts. La décision finale appartenant à l’autorité administrative, ils restent des actes unilatéraux.
  • Les contrats d’adhésion (contrat) : les contrats d’abonnement à un service (eau, gaz, électricité) n’ouvrent jamais la possibilité d’en négocier les clauses et il n’y a parfois qu’un seul prestataire auquel s’adresser. Malgré ces limites, ils restent des contrats.

Pour citer cette page : Marie-Joëlle Redor-Fichot et Xavier Aurey, « Titre 2 – Les moyens de l’action administrative », Introduction au droit administratif, Fondamentaux, 2024 [https://fondamentaux.org/?p=1233]

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