REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 mai 1993 l’expédition du jugement du 12 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi d’une demande de M. Gérard Z…, M. Claude Y…, Mme Marie B…, épouse Z…, Mme Maria-Gaétana Z… née D… C…, Mme Jacqueline Z… divorcé A…, M. Paul Z… et M. Pierre-Noêl Z…, agissant en qualité d’héritier du peintre Henri Z…, tendant à la condamnation de la Poste au paiement de dommages-intérêts pour avoir émis et mis en vente un timbre-poste reproduisant imparfaitement un portrait d’X… exécuté par Z…, sans leur accord et malgré leurs protestations, et avoir ainsi porté atteinte à leur droit moral et reproduit une oeuvre contrefaite au paiement d’une provision à valoir sur le droit de rémunération d’auteur à fixer après expertise et à la publication de la décision dans cinq journaux ou périodiques, a renvoyé au tribunal, par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider de la compétence ;
Vu l’ordonnance du 13 août 1991 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé, s’est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistré le 24 juin 1993, le mémoire présenté par la Poste, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Saintoyant, membre du tribunal,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de consorts Z…,
– les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en 1991 la Poste a émis un timbre-poste représentant Louis X… ; que pour la réalisation de cette vignette a été utilisée une oeuvre graphique de Z… sans l’autorisation des ayants droit de l’auteur ;
Considérant que les héritiers de Z… ayant assigné la Poste aux fins d’expertise en vue de l’évaluation de leur préjudice, le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé par ordonnance du 13 août 1991, s’est déclaré incompétent ; que statuant au principal sur la demande des héritiers Z… tendant à la réparation de leur préjudice et au paiement de droits d’auteur, le tribunal administratif de Paris a renvoyé au tribunal le soin de décider sur la compétence ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que le Tribunal des conflits est valablement saisi dès lors que, comme en l’espèce, il y a identité de question ou même litige, au sens des articles 17 et 35 du décret du 26 octobre 1849 et bien que la juridiction judiciaire ait statué en référé et la juridiction administrative ait statué au principal ; Sur la compétence :
Considérant qu’aux termes de l’article 25 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, les relations de la Poste et de France Télécom avec leurs usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont régis par le droit commun et que les litiges auxquels elles donnent lieu sont portés devant les juridictions judiciaires, à l’exception de ceux qui relèvent par leur nature, de la juridiction administrative ;
Considérant que la demande des héritiers de Z… tend à la réparation des préjudices résultant des atteintes au droit d’auteur constituées par la reproduction sans autorisation d’une oeuvre de ce peintre et par les modifications apportées à son oeuvre ; que la responsabilité de la Poste est ainsi recherchée sur le fondement de fautes qu’elle aurait commises dans la gestion du service industriel et commercial, sans que soit mis en cause l’exercice de la prérogative de puissance publique d’émettre des timbres-poste qu’elle tient du législateur ; d’où il suit que le litige ressortit à la juridiction judiciaire ;
Article 1er : La juridiction de l’ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant les héritiers Matisse à la Poste.
Article 2 : L’ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 août 1991 est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties son renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Paris est déclarée nulle et non avenue, à l’exception du jugement rendu le 12 février 1993 par ce tribunal.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat, Garde des sceaux ministre de la justice qui est chargé d’en assurer l’exécution.