CE, 17 décembre 1909, Chambre syndicale de la corporation des marchands de vins et liquoristes de Paris

Vu : 1° LA REQUÊTE présentée pour la chambre syndicale de la corporation des marchands de vins et liquoristes de Paris…, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, une ordonnance du préfet de police, en date du 31 mai 1907, interdisant aux gens sans aveu de se réunir dans les garnis et les débits de boissons ;

Ce faire, attendu qu’aux termes de l’art. 2 de ladite ordonnance il est interdit à tous cafetiers, cabaretiers et autres débitants de boissons de recevoir habituellement des filles de débauche, souteneurs et gens sans aveu et que l’art. 3 du même texte dispose que l’habitude sera manifeste
lorsque, après deux avertissements notifiés depuis moins de six mois par un commissaire de police, le contrevenant entendu ou dûment appelé, un nouveau fait constitutif d’infraction sera constaté ; que la disposition de l’art. 2 précité n’est que la reproduction de la prohibition édictée par l’art. 14 de l’ordonnance de police du 4 nov. 1778 et l’art. 14 de l’ordonnance de police du 8 nov. 1780, lesquels ont été abrogés par l’art. 27 de la loi du 12 juill. 1905 ; que, par ledit art. 2, le préfet de police a remis en vigueur la réglementation abrogée par le législateur et que le fait qu’il a, par l’art. 3 de l’ordonnance attaquée, subordonné à certaines conditions l’existence de la contravention ne modifie en rien la situation des débitants et cabaretiers telle qu’elle résultait des ordonnances de 1778 et 1780; qu’ainsi, en prenant les dispositions attaquées, il a porté atteinte à la liberté du commerce et à celle des citoyens et que, dès lors, il a excédé la limite de ses pouvoirs ;

Vu : 2° la requête pour la Chambre syndicale des hôteliers de Paris…, et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, une ordonnance du préfet de police, en date du 31 mai 1907, interdisant aux gens sans aveu de se réunir dans les garnis et débits de boissons ;

Ce faire, attendu qu’aux termes de l’art. 1er de ladite ordonnance il est interdit à tous logeur tenant maison meublée ou chambres garnies de recevoir habituellement des filles ou femmes, domiciliées ou non dans leurs établissements, pour s’y livrer à la prostitution et que l’art. 3 du même texte dispose que l’habitude sera manifeste lorsque, après deux avertissements notifiés depuis moins de six mois par un commissaire de police, le contrevenant dûment appelé ou entendu, un nouveau fait constitutif d’infraction sera constaté; que la disposition de l’art. 1 précité n’est que la reproduction de la prohibition édictée par l’art. 4 de l’ordonnance de police du 6 nov. 1778, lequel a été abrogé par l’art. 27 de la loi du 12 juill. 1905 ; que, par ledit art. 1, le préfet de police a remis en vigueur la réglementation abrogée par le législateur et que le fait qu’il a, par l’art. 3 de l’ordonnance attaquée, subordonné à certaines conditions l’existence de la contravention ne modifie en rien la situation des hôteliers telle qu’elle résultait de l’ordonnance de 1778 ; qu’ainsi en prenant les dispositions attaquées, il a porté atteinte à la liberté des
personnes et à la liberté du commerce et que, par suite, il a excédé la limite de ses pouvoirs ;

Vu (l’arrêté des consuls du 12 mess, an VIII; les lois des 16-24 août 1790, 2-17 mars 1791, 19-22 juill. 1791, 12 juill. 1905) ;

CONSIDÉRANT que, dans les termes où est rédigé l’art. 2 de l’ordonnance attaquée, il constitue purement et simplement la reproduction des prohibitions résultant des art. 14, § 2, de l’ordonnance de police du 8 nov. 1780 et 7 de l’ordonnance de police du 21 mai 1784, lesquels ont été formellement abrogés par l’art. 27 de la loi du 12 juill. 1905 ; qu’ainsi en renouvelant lesdites prohibitions le préfet de police a excédé ses pouvoirs ;

Mais cons. qu’en disposant, par l’art. 1er de l’ordonnance précitée, qu’il est interdit à tous logeurs tenant maison meublée ou chambres garnies de recevoir habituellement des filles ou femmes domiciliées ou non dans leur établissement pour s’y livrer à la prostitution, le préfet de police n’a fait qu’user des pouvoirs qu’il tient de la loi des 16-24 août 1790 en vue d’assurer le bon ordre et la moralité publique ; que, dès lors, l’ordonnance attaquée n’est pas sur ce point entachée d’illégalité ;…

(Art. 2 de l’ordonnance de police du 31 mai 1907 est annulé ; surplus des conclusions des requêtes rejeté).